Depuis le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, les mots "vérité", "histoire" et "justice" ont été au cœur d'une controverse sans précédent. Des voix négationnistes se sont élevées, cherchant à nier ou à déformer la réalité des événements tragiques qui se sont déroulés. Ces négationnistes, bien qu'ils prétendent ne pas être des vaincus de l'histoire, tentent de manipuler la perception des faits en leur donnant une interprétation biaisée.
Dès les premiers jours du génocide, la qualification des événements a été remise en question. Certains ont nié l'ampleur des atrocités commises, refusant de reconnaître la dimension génocidaire de la tragédie. Des spécialistes s’accordent à dire que même que la négation est inhérente au projet génocidaire lui-même, où les victimes sont déshumanisées et où les actes de violence sont dissimulés derrière des termes euphémiques. José Kagabo, soulignant que la négation gît dans le projet génocidaire lui-même dit que « le « voué à la mort » se voit nier sa qualité d’humain et l’acte même de tuer est masqué par une série d’euphémismes ». (Kagabo, 2004)
Des intellectuels comme Jean-Pie
rre Chrétien et d'autres ont analysé les différentes formes de négation du génocide, mettant en lumière le racisme anti-Tutsi qui sous-tend ces discours. Depuis lors, la rhétorique négationniste a évolué, notamment en réponse aux poursuites judiciaires et aux révélations de certaines enquêtes.
Des ouvrages tels que ceux de Pierre Péan et Abdul Ruzibiza ont fourni une base bibliographique aux thèses négationnistes, mettant en avant des arguments pour remettre en question la version officielle de l'histoire. La volonté de réviser l'histoire du génocide à la lumière de nouvelles enquêtes est clairement affichée par certains auteurs. « Influencée par les développements judiciaires relatifs à l’attentat du 6 avril, la rhétorique négationniste entend reprendre le fil de l’histoire rwandaise à partir de cet événement. Il incarne dans ce discours le verrou insurmontable à partir duquel l’ensemble des faits peut et doit être réinterprété. » (Dumas, 2009)
Il convient de signaler que l'entreprise visant à réévaluer l'histoire du génocide en se basant sur les investigations du juge Bruguière et de certains journalistes est clairement revendiquée par Pierre Péan.
Malheureusement, cette tendance négationniste ne montre aucun signe de ralentissement et s'intensifie même à notre époque. De nouveaux auteurs émergent, avançant la théorie du double génocide en déformant les faits. Des figures comme Charles Onana et Denis Mukwege se retrouvent dans cette dynamique, et cela leur a accordé une notoriété qu'ils n'auraient pas autrement obtenue. La France semble prête à soutenir quiconque contribuerait à obscurcir les événements tragiques pour lesquels elle porte une part de responsabilité.
Cependant, cette révision de l'histoire est souvent motivée par des considérations politiques et idéologiques. Certains intellectuels rwandais, comme Ferdinand Nahimana et Edouard Karemera, ont utilisé leurs ouvrages pour défendre leur propre cause devant les tribunaux internationaux. Leur ambition est de réécrire l'histoire afin de légitimer leurs actions passées.
L'utilisation de l'ethnicité comme outil de manipulation politique est également évidente en RDC où la haine contre les Tutsi se prêchent ouvertement dans les églises chrétiennes partout à travers le pays. Les discours négationnistes sèment exploitent les tensions ethniques pour créer la confusion et justifier leurs positions. Cependant, il est important de reconnaître que l'ethnicité est souvent une construction discursive, alimentée par des mythes et des récits mobilisateurs.
Chaque mouvement ethnique est en soi une source potentielle de conflits interminables. Ces conflits ne sont pas seulement entre différents groupes ethniques mais peuvent aussi exister au sein d'un même groupe. Chaque groupe ethnique a ses propres raisons et justifications pour ses actions, souvent utilisées pour répondre aux critiques des autres.
Dans son étude sur les exclusions sociales, Régine Dhoquois identifie un lien entre le narcissisme individuel et les discriminations les plus graves, voire les massacres. Ce lien suggère que les mouvements ethniques peuvent basculer rapidement vers des comportements extrêmes, souvent alimentés par des émotions plutôt que par des principes rationnels.
L'ethnicité peut être vue comme une série de discours récurrents qui créent un sentiment d'appartenance et de solidarité au sein d'un groupe. Ces discours, ou "mythes", réactivent des idéaux d'homogénéité culturelle, souvent en opposition à la diversité culturelle inhérente aux sociétés modernes.
Pour les Banyamulenge congolais, l'identité est complexe, reposant sur deux appartenances culturelles souvent en conflit. Cette dualité culturelle est exacerbée par l'histoire congolaise qui a longtemps questionné l'identité sous divers aspects : individuel, collectif, national et ethnique, malheureusement pas dans l’objectif d’éclairer l’opinion publique, mais plutôt dans l’intention de forger des arguments qui fournissent l’eau au moulin à l’idéologie propagandistes. Les Banyamulenges congolais incarnent cette tension identitaire, illustrant les défis et les enjeux associés à l'ethnicité.
En résumé, l'identité des Banyamulenge congolais est façonnée par le langage et la langue congolaise, tout en ayant une connexion avec la culture rwandophone. Cette relation complexe reflète la manière dont l'identité individuelle peut être influencée par différents facteurs culturels et historiques, créant ainsi une fusion ou une fracture au sein de l'individu.
En fin de compte, la recherche de la vérité historique est essentielle pour comprendre les conflits passés et éviter qu'ils ne se reproduisent. Les tentatives de manipulation politique et de négationnisme ne font qu'obscurcir la vérité et perpétuer les divisions. Il est donc crucial de rester vigilant et de défendre une approche objective de l'histoire, basée sur des preuves et des faits vérifiables.
le 14avril 2024
Paul Kabudogo Rugaba
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