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Paul KABUDOGO RUGABA

Au-delà de l’histoire écrite, il y a une vraie orale inédite. Partie VI

Tragédie et Mystère : La Mort de Deux Figures Éminentes des Banyamulenge


Dans le chapitre précédent, nous avons parlé de nos deux illustres personnalités, à savoir l'honorable Gisaro Muhoza et l'inspecteur Rugama Tabazi. Tous deux sont morts suite à des accidents.  Tous deux ont perdu la vie dans des circonstances troublantes, laissant derrière eux un voile d'incertitude et de mystère. Le premier au Burundi dans un accident de voiture, et le second dans un accident d'avion. Un dénominateur commun : il n'y a eu aucune enquête sur les deux accidents impliquant ces illustres personnalités.

On raconte qu’en1980, monsieur Isaac Gisaro Muhoza s'était rendu à Uvira dans sa circonscription électorale, puis par la suite, il a voulu visiter son frère à l'hôpital à Bujumbura. En chemin, il a été percuté par un véhicule de l'armée burundaise. Il a été transporté à l'hôpital où ses proches pouvaient le visiter. Selon leurs dires, sa vie n'était pas en danger, malgré ses blessures. Il était conscient et reconnaissait les personnes qui venaient le voir, les rassurant sur son état. Les autorités burundaises auraient communiqué à Kinshasa pour rapporter les faits. Des instructions seraient alors venues de Kinshasa demandant aux autorités burundaises de sécuriser cette personne de manière renforcée. Immédiatement après, les visites des membres de sa famille ont été restreintes. Le patient a été placé sous haute surveillance, ce qui semblait être normal pour une personne de son rang. Deux jours plus tard, sa mort a été annoncée.

Selon certains récits oraux, il serait mort suite à une injection qu'une infirmière de la tribu de Nande lui aurait administrée. Les Banyamulenge à l’époque, étaient mal placés pour faire un   recours juridique pour poursuivre l'affaire et exiger une enquête. Les Rwandais bien positionnés dans le regime de Mobutu sont ceux qui ont donné cette information. C'était à l'époque où Barthélémy Bisengimana était encore influent.

Qui aurait ordonné cette exécution ? Mystère ! On sait que sa réputation avait créé de nombreux ennemis parmi ses collègues députés originaires du grand Kivu.  Il faut ajouter également que son militantisme visant à faire reconnaître le nom des Banyamulenge a également suscité des ennemis, non seulement parmi les potentiels concurrents, mais aussi parmi les réfugiés rwandais, qui ont vu en cela une tentative de les démasquer. Il est à rappeler qu'à cette époque, un atlas de toutes les tribus du Congo venait de sortir, et le nom de la tribu Tutsi y était mentionné et semblait englober tous les tutsi de la RDC, quel que soit le moment de leur installation ou leur lieu de résidence. Dans ce contexte, le nom des Banyamulenge n'était pas le bienvenu parce que mettait à nu les réfugiés de 1959.


L'inspecteur Rugama Tabazi Nehemie, quant à lui, a trouvé sa mort en 1997, juste après que l’AFDL avait pris le pouvoir. Une conférence des différentes communautés religieuses avait été organisée à Minembwe. L'objectif était une action de grâce après que les Banyamulenge aient échappé à la première tentative de génocide. C'était juste une année après la déclaration de Lwabanji Lwasi Ngabo, le vice-gouverneur du Sud-Kivu, qui avait dit que dans 7 jours Mulenge ne serait plus, qu'il serait effacé de la carte du monde. Cet événement, destiné à célébrer la survie des Banyamulenge face aux menaces de génocide, s’etait transformé en un autre drame fatal.

L'avion transportant les participants a décollé de l'aéroport de Kavumu. À bord de cet avion, il y avait de nombreux pasteurs, parmi lesquels Rugama, des docteurs et d'autres personnalités importantes de la communauté Banyamulenge. Il y’avait également deux missionnaires et bailleurs de fond de lONG Eben Ezer. Un certain Mvuyekure était copilote. On raconte que ce monsieur serait le pilote d'Habyarimana, l'ancien président du Rwanda. L'avion appartenait à une dame fortunée appelée Goulamali. L'avion a décollé sans problème et a pris son envol jusqu'à Minembwe. Au moment d'atterrir, juste quand il était presque au ras du sol, il a repris de la hauteur, puis a heurté une petite colline qui se trouvait en face de la petite piste de Minembwe. Immédiatement, il a pris feu. Quelques secondes après, le ciel était couvert d’un épais nuage noir.  Le pilote et le copilote qui tentaient de sortir n'ont pas réussi, leurs jambes étant retenues à l’intérieur de l’appareil quand le reste du corps était déjà sortis, et ils sont également décédés, sans aucun survivant.

Est-ce une mission suicide ? On n'en sait rien. A ce que je sache, il n'y a pas eu d'enquête.

Les conséquences de ces tragédies sont dévastatrices pour la communauté des Banyamulenge. La perte de leurs leaders et de leurs figures spirituelles a laissé un vide profond et crée un besoin urgent de reconstitution de leurs institutions et de leur leadership. Leur quête de justice est entravée par l'absence d'enquêtes formelles et de responsabilité.

Ainsi, alors que nous nous penchons sur ces événements tragiques, nous sommes confrontés à un sombre tableau de pertes et d'incertitudes, reflétant les défis persistants auxquels sont confrontées les communautés marginalisées dans leur quête de justice et de stabilité.

le 11 fevrier 2024

Paul Kabudogo Rugaba

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