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Paul KABUDOGO RUGABA

Faut-il croire à la déclaration de Asambwa Hussein du 4 septembre 2024


Le message récent du 4 septembre 24 de Asambwa Hussein, porte-parole des groupes armés terroristes Maï-Maï issus de la communauté Babembe, a surpris plus d'un. Après avoir incarné, durant quatre longues années, un discours de haine virulente à l'encontre des Banyamulenge et des Tutsi en général, Hussein semble aujourd'hui changer de ton. Dans un audio diffusé sur WhatsApp, il appelle désormais à la cohabitation pacifique. Cette déclaration soulève de nombreuses interrogations : s'agit-il d'une véritable conversion ou d'une simple stratégie de réorganisation des forces armées qu'il représente ?


  1. Un historique de haine et de violence

Il est important de rappeler le contexte. Asambwa Hussein a été l'un des principaux propagandistes de la haine anti-Tutsi, particulièrement contre les Banyamulenge, accusant cette communauté d'être des "envahisseurs" et de "ne pas être Congolais". Cette rhétorique violente, relayée par divers leaders extrémistes tels que Bitakwira Justin, Naluvumbu Kibambala et d'autres, a alimenté des conflits interethniques meurtriers dans les Hauts Plateaux de Fizi, Uvira et Mwenga.

Aujourd'hui, en appelant à la cohabitation, Hussein tente de changer de discours. Cependant, beaucoup s'interrogent sur la sincérité de cette démarche. L'histoire récente montre que ces appels à la paix de la part des leaders Maï-Maï ont souvent été suivis de nouvelles vagues de violence. À plusieurs reprises, les Maï-Maï ont déposé les armes pour mieux se réorganiser par la suite. Le cycle de trêves suivies de récidives violentes est bien documenté dans l'histoire des conflits armés en RDC, en particulier dans les provinces du Sud-Kivu et du Nord-Kivu.


2. Un passé de rébellions et de trahisons

Il convient de rappeler les trois précédentes tentatives des Maï-Maï de déposer les armes, chacune suivie de récidives. La première s'est produite après la rébellion Muleliste (1964-1972), lorsque des groupes armés ont accepté de se rendre après avoir causé des ravages dans la région. Toutefois, ils ont repris les armes quelques années plus tard. La deuxième tentative a eu lieu lors de l'avènement de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) en 1996-1997, sous la direction de Laurent-Désiré Kabila. Là encore, après une brève période de calme, les violences ont repris. La troisième tentative s'est déroulée au lendemain de la rébellion du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) en 1998-2002, où les Maï-Maï ont également prétendu se rendre, avant de revenir à la violence.

À chaque fois, les Banyamulenge, connus pour leur disposition au pardon et à la réconciliation, ont accepté ces appels à la paix. Malheureusement, ils ont été déçus à chaque reprise par la trahison de leurs voisins, plongeant à nouveau la région dans l'instabilité.


3. Une conversion sincère ou une stratégie ?

Le revirement soudain de Asambwa Hussein, leader d’opinion et porte-parole des groupes armés Maï-Maï, soulève de nombreuses questions, d'autant plus que pendant des années, il a été l'un des principaux instigateurs de la haine ethnique contre les Banyamulenge. Aujourd'hui, en appelant à la cohabitation et à la paix, Hussein semble prendre un virage surprenant. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce changement d'attitude, dont la prolifération incontrôlée des armes au sein de sa propre communauté et l’émergence de nouvelles forces dans la région, telles que l'Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nanga et la vulnérabilité actuelle des groupes Maï-Maï.


a. La prolifération des armes : un danger pour les Babembe eux-mêmes

Depuis que le gouvernement de Kinshasa a officiellement autorisé les milices Maï-Maï à circuler librement avec des armes, sous couvert de patriotisme avec l'appellation "Wazalendo", une réalité troublante s'est imposée : les armes qui étaient initialement dirigées contre les Banyamulenge se retournent désormais contre la communauté Babembe elle-même. Les groupes armés, échappant de plus en plus à tout contrôle, sèment la terreur parmi leur propre population.

Il semble que les milices Maï-Maï font désormais plus de victimes chez les Babembe que chez les Banyamulenge. Des rapports informels et des témoignages partagés sur des plateformes comme WhatsApp révèlent que les femmes sont devenues des cibles principales de cette violence interne. Les exactions perpétrées par ces groupes armés, dont la plupart ne sont plus que des gangs de criminels, touchent durement la population civile qui, il y a peu, soutenait encore ces milices sous le prisme d'une protection ethnique.

Les Babembe, qui autrefois se glorifiaient de la puissance des Maï-Maï, se retrouvent désormais à payer le prix amer d’une prolifération d’armes incontrôlées. Les voyous et les chefs de guerre qui prétendaient protéger la communauté sont devenus ses bourreaux. Ce contexte de violence généralisée pousse certains à réévaluer leur soutien aux milices, et Asambwa Hussein, en tant que figure de proue de cette mouvance, semble sentir le vent tourner.


b. La menace de l'Alliance Fleuve Congo (AFC)

Une autre hypothèse plausible pour expliquer le revirement de Asambwa Hussein est l'émergence de l'Alliance Fleuve Congo (AFC), un mouvement dirigé par Corneille Nanga. Ce mouvement a récemment gagné en popularité, attirant les "aigris" de la région, notamment ceux qui étaient déçus par le FARDC et  l'inefficacité des groupes Maï-Maï.

L'Alliance Fleuve Congo propose une vision différente et offre une alternative aux groupes armés traditionnels qui ont échoué à apporter la stabilité ou le développement espérés. L'influence croissante de ce mouvement menace directement les chefs de guerre comme Hussein, qui voient leur emprise sur la population s'effriter. Il est donc possible que son appel à la paix soit en réalité une tentative de réaffirmer son leadership et de contrecarrer l’attrait grandissant de l’AFC auprès des populations locales.


c. La vulnérabilité actuelle des groupes Maï-Maï.

L'une des hypothèses avancées pour expliquer ce soudain revirement de Hussein est la vulnérabilité actuelle des groupes Maï-Maï. Épuisés par des années de guerre et de dévastation, ces groupes pourraient chercher à gagner du temps en prônant une trêve. En effet, il est plausible que les forces armées dont Hussein est le porte-parole soient à bout de souffle, cherchant ainsi à se réorganiser sous le couvert d'une paix temporaire.


d. Une stratégie de survie politique

Face à l’épuisement des milices Maï-Maï et à l'émergence de nouvelles dynamiques politiques et sociales dans la région, Asambwa Hussein pourrait simplement chercher à se repositionner stratégiquement. Son appel à la cohabitation pourrait être perçu comme un moyen de sauver les apparences et de se distancer d'une situation qui lui échappe, tout en tentant de préserver une partie de son influence.

Cependant, pour beaucoup, cette déclaration suscite plus de scepticisme que d’espoir. Étant donné l'historique des milices Maï-Maï qui ont souvent utilisé des périodes de trêve pour se réorganiser avant de replonger dans la violence, l’appel de Hussein à la paix pourrait être un "cadeau empoisonné". La méfiance reste donc de mise, surtout pour les communautés, comme les Banyamulenge, qui ont été maintes fois trahies par des promesses de paix non tenues.


4. Quelles garanties pour les Banyamulenge ?

En effet, que peut offrir cette paix promise par un individu comme Hussein, qui a été l'un des principaux pyromanes du conflit ? Sa crédibilité est fortement entachée par son passé, et il est difficile d'imaginer que ses intentions soient sincères, surtout dans un contexte où le gouvernement semble encourager discrètement les actions des Maï-Maï.

Les Banyamulenge ont été abusés à plusieurs reprises dans le passé par des promesses de paix non tenues. Chaque tentative de cohabitation pacifique a été suivie par des vagues de violence renouvelées. La communauté se demande donc quelles garanties pourraient leur être offertes cette fois-ci pour que cette paix soit durable.

La justice transitionnelle, qui consisterait à juger les responsables des exactions, serait une solution idéale. Cependant, au regard de la position actuelle du gouvernement congolais, cette option semble peu probable. Le soutien implicite du régime de Kinshasa aux Maï-Maï complique encore plus les perspectives de justice et de réconciliation.


5. Prudence oblige

Le revirement de Asambwa Hussein peut s’expliquer par une combinaison de facteurs : la prolifération incontrôlée des armes, qui menace désormais sa propre communauté, et la montée en puissance de l'Alliance Fleuve Congo (AFC), qui remet en question l’influence des Maï-Maï. Face à ces défis, Hussein semble jouer une carte stratégique pour tenter de maintenir son pouvoir et éviter d’être complètement marginalisé. Toutefois, la sincérité de son appel à la paix reste incertaine, et la prudence est de mise face à ce qui pourrait n’être qu’une manœuvre tactique en vue d’un futur rebondissement du conflit.

Si l'on ne peut que souhaiter la paix dans cette région meurtrie, il est légitime de s'interroger sur les véritables intentions derrière cet appel de Hussein. Les Banyamulenge, abusés à plusieurs reprises, ont de quoi être sceptiques. L’histoire a montré que les groupes Maï-Maï ont souvent utilisé des périodes de trêve pour se réorganiser et reprendre plus tard leurs activités violentes.

La prudence est donc de mise face à cet appel à la cohabitation. L'espoir d'une paix véritable reste présent, mais la méfiance persiste quant à la sincérité de ses promoteurs. Pour que cette paix soit durable, elle devra être accompagnée de garanties solides, notamment en matière de justice et de sécurité, et d’un engagement sincère de toutes les parties prenantes.


Le 07 sept. 2024

Paul Kabudogo Rugaba


 

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