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Foi dévoyée et politique meurtrière : quand la religion devient complice de l’injustice en RDC

Dernière mise à jour : 12 avr.


Le pasteur Mukuna prêchant la haine
Le pasteur Mukuna prêchant la haine

Dans de nombreuses communautés religieuses en République Démocratique du Congo, une dérive inquiétante s’est installée : l’incapacité des fidèles à penser en dehors d’un cadre strictement scripturaire, appliqué sans discernement. À chaque circonstance, y compris les plus inappropriées, les versets bibliques sont récités mécaniquement, vidés de leur contexte et déconnectés de la réalité. Ce réflexe, devenu un automatisme spirituel, ne nourrit plus la foi : il l’étouffe. Pire encore, il détourne la religion de ses objectifs fondamentaux, en l’alignant sur des logiques de pouvoir, de rejet et de domination.

Dans ce contexte, la contradiction devient flagrante. Alors que l’Évangile prêche l’amour du prochain, des pasteurs congolais justifient la haine et les persécutions dirigées contre les Tutsi — en particulier les Banyamulenge — comme une prétendue volonté divine. Des communautés entières sont battues, chassées, tuées, sous les applaudissements silencieux ou ouverts de ceux qui devraient prêcher la paix. Certains chefs religieux, loin de condamner l’injustice, expriment leur gratitude envers un président non pas pour ses actes de justice ou de développement, mais parce qu’il aurait “validé” un génocide en cours. Ainsi, la religion devient l’instrument de la politique du pire.

Les minorités, comme les Banyamulenge, souffrent dans un silence tragique. Elles justifient parfois leur sort à travers des prophéties fatalistes, croyant voir dans leur calvaire une épreuve divine. Cette forme de spiritualité soumise transforme la douleur en résignation et camoufle l’horreur sous un vernis de fidélité religieuse. Pourtant, cette fidélité n’est qu’un masque, dissimulant une blessure béante que personne ne veut ou n’ose regarder.

Dans un pays où la réconciliation est devenue une utopie, le discours religieux continue d’entretenir l’illusion du “retour du frère”, d’un pardon sans réparation, d’un avenir commun sans mémoire partagée. Les tentatives de rapprochement restent superficielles, souvent suivies de trahisons ou de reculs, comme si les peuples étaient condamnés à vivre séparés, guidés non par la foi, mais par la peur et le mépris.

Les Églises, censées porter l’héritage du Christ, dérivent vers un syncrétisme dangereux, où animisme, superstitions et autoritarisme spirituel se mêlent. Le miracle de la repentance semble impossible dans un tel climat. La conscience est violée, au même titre que le corps peut l’être : la spiritualité devient un lieu de domination, et la prière collective se transforme en un rituel mystique ou un meeting de propagande sans remise en question. Le silence s’impose comme une doctrine, et les questions sont perçues comme des rébellions.

Dans ce désordre sacralisé, le charisme religieux devient prédateur. Protégés par l’aveuglement des fidèles, certains prédicateurs usurpent le rôle de Christ lui-même, exigeant soumission et vénération, instaurant un pouvoir personnel tyrannique. Cette emprise spirituelle ouvre la voie à de graves abus : spirituels d’abord, sexuels parfois, moraux toujours. La foi devient alors une marchandise, et les fidèles, des proies livrées à des ambitions personnelles.

Le comble de cette aliénation réside dans l’obsession des croyants pour les hauts faits des anciens Hébreux, comme si ceux-ci étaient leurs propres ancêtres, oubliant qu’il est plus noble d’agir à son tour que de glorifier éternellement les exploits des autres. Une foi qui glorifie passivement les héros d’hier sans produire les bâtisseurs de demain devient stérile.

Pendant ce temps, dans les coulisses de la République, des populations entières continuent de vivre l’injustice, sous le regard détourné d’églises muettes, ou pire, complices. Le message évangélique est manipulé pour justifier l’injustifiable, et la douleur des minorités est spirituellement anesthésiée pour éviter d’en affronter la vérité.

Il est temps de briser ce cercle infernal. De redonner à la foi sa vocation première : être un refuge pour les opprimés, une lumière pour les aveugles, une force pour les justes. Il ne s’agit plus de citer la Bible pour la forme, ni de multiplier les titres pompeux de “prophète” ou “apôtre”. Il s’agit d’avoir le courage d’incarner l’Évangile dans les faits.

La spiritualité authentique ne réside ni dans la récitation de versets hors contexte, ni dans les récits miraculeux fantasmés, mais dans la justice, la compassion, et la vérité. La RDC n’a pas besoin de plus de prédicateurs ; elle a besoin de témoins de vérité, de bâtisseurs de paix, de pasteurs qui refusent d’être les complices silencieux du mal.


Le 7 avril 2025

Paul Kabudogo Rugaba

 
 
 

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