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La stratégie paradoxale de la RDC face aux menaces réelles et aux menaces hypothétiques

Paul KABUDOGO RUGABA

Dernière mise à jour : 5 déc. 2024

 

La République démocratique du Congo (RDC) semble se préparer contre une attaque hypothétique tout en laissant progresser des rébellions bien réelles. Une telle stratégie soulève des interrogations légitimes. Dans la province du Nord-Kivu, le M23 et l’AFC avancent méthodiquement, conquérant territoire après territoire. Malgré les déclarations de fermeté, les Forces armées de la RDC (FARDC) n’ont jamais réussi à récupérer ne serait-ce qu’un centimètre des zones perdues. La ville stratégique de Goma reste intacte, non pas grâce aux efforts des FARDC, mais grâce à la présence dissuasive des forces onusiennes et des troupes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Dans le Sud-Kivu, une dynamique dangereuse prend forme, caractérisée par une mobilisation massive qui ne vise pas des rébellions clairement identifiées, mais plutôt un ennemi imaginaire, créé et instrumentalisé à des fins obscures. Cette mobilisation se fait en collaboration avec des groupes armés locaux dits « Maï-Maï », qui, sous le nom de « Wazalendo » – une appellation récemment adoptée et légitimée par le gouvernement congolais – bénéficient aujourd’hui de son soutien.

Pourtant, l’histoire de ces milices est marquée par des atrocités bien documentées : massacres sanglants de populations civiles, pillages systématiques, violations flagrantes des droits humains, et, dans certains cas, des actes d’une barbarie inimaginable, tels que des pratiques d’anthropophagie rapportées par plusieurs témoignages. Ces exactions, perpétrées sous couvert de protection du pays, démontrent un mépris total pour la dignité humaine et l’ordre social.

Ce qui est encore plus alarmant, c’est le sort réservé à ceux qui tentent de s’éloigner de ce chemin d’horreur. Les dissidents, aspirant à une vie de paix et à l’abandon de la violence, font face à des répressions brutales. Torturés sans relâche, ils sont parfois exécutés pour leur refus catégorique de céder à la terreur ou pour leur volonté de regagner une vie normale. Ces actes barbares sont autant de preuves accablantes de l’impunité dont jouissent ces groupes armés et de l’échec des autorités à protéger les citoyens.

L’image ici présentée illustre cette sombre réalité : des individus torturés, puni pour leur courage de vouloir renoncer à la violence. Elle rappelle cruellement que, dans cette région en proie à des alliances malsaines, les droits fondamentaux de l’homme sont constamment bafoués, et que la quête de paix reste un défi majeur, voire un rêve inaccessible.

Les Wazalendo ne sont rien d’autre qu’une coalition de milices tribales, motivées par une hostilité acharnée envers la communauté tutsi, qu’il s’agisse des Banyamulenge dans le Sud-Kivu ou d’autres Tutsis dans le Nord-Kivu. Leur objectif principal reste clair : déraciner ces communautés. À cela s’ajoute le soutien ouvert ou tacite du gouvernement à d’autres forces négatives, notamment les FDLR et leurs nombreuses factions dérivées, partageant une idéologie commune avec leur branche mère bien connue pour son histoire sombre.

Ces alliances douteuses avec des groupes armés qui reçoivent des armes et des munitions des FARDC aggravent une situation qui avait tendance à se normaliser. C'est plus d'une année que les attaques étaient au point mort. Dans les Hauts Plateaux du Sud-Kivu, une région majoritairement habitée par les Banyamulenge, ces déployements sont perçus comme une menace directe et existentielle.

Dans le cadre d’une coopération militaire entre le Burundi et la RDC, l’armée burundaise et sa milice affiliée, les Imbonerakure, sont stationnées depuis des années dans les Hauts Plateaux d’Itombwe. Bien que leur comportement ait été relativement discipliné jusqu’à présent, leur rôle exact dans cette région reste flou et suscite des interrogations croissantes. Leur mission, officiellement présentée comme un appui aux FARDC, pourrait rapidement basculer, en particulier dans un contexte où la communauté Banyamulenge est déjà sous pression.

Les craintes des Banyamulenge, régulièrement exprimées, se concrétisent de plus en plus. La région est, ce dernier temps, le théâtre d’incidents inquiétants, souvent provoqués, et qui semblent chercher à justifier une escalade violente contre cette communauté. Chaque jour, des provocations et des attaques ajoutent à l’instabilité. Par exemple, les événements du 28 novembre 2024 ont été suivi le lendemain par celui des bergers arrêtés et torturés par les FARDC. Deux jours plus tard, une tentative de bouclage d’un village par les mêmes forces a conduit la population locale à fuir dans les brousses, bien que cette fois, il n’y ait pas eu de tirs. Toutefois, c'est bel et bien des provocations et scénario de démocide.

Ces actes, loin d’être isolés, participent d’un climat de panique généralisée. De nombreuses familles passent désormais leurs nuits cachées dans les forêts, craignant pour leur sécurité. Cette situation s’aggrave par des messages audio circulant sur les réseaux sociaux, relayés par les alliés Wazalendo des FARDC, prétendant qu’une invasion du M23 via la piste d’atterrissage de Minembwe serait imminente. Ces affirmations, totalement absurdes, visent à justifier des actions répressives.

En réalité, le M23 est loin de cette région. Bloqué à Minova, à des centaines de kilomètres de Bukavu, il n’a ni la logistique ni la capacité d’atteindre Minembwe. On ne sait même pas s'il a l'intension ou pas d'y venir. S'il y vient, c'est comme il viendra aussi, à Kavumu, à Bukavu, à Uvira, à Kalemi etc. De plus, la piste d’atterrissage de Minembwe, rudimentaire, ne peut accueillir que de petits aéronefs ou hélicoptères, et elle est étroitement surveillée par les camps des FARDC et des forces burundaises. Imaginer qu’un avion ou un hélicoptère puisse atterrir au milieu de ces forces est tout simplement irréaliste.

Ces accusations fallacieuses, pourtant, ne visent qu’un objectif : diaboliser les Banyamulenge et justifier leur persécution. Comme dit le proverbe : « Qui veut noyer son chien l’accuse de rage. » Les Banyamulenge, déjà marginalisés et assiégés, se retrouvent désormais au cœur d’un scénario de démocide qui se prépare sous couvert de fausses justifications sécuritaires.

Les conséquences des tensions et des provocations orchestrées par les FARDC et leurs alliés, notamment les Wazalendo sont désastreuses pour Minembwe et ses environs. La population vit dans une angoisse constante, paralysée par la crainte d’incidents violents qui peuvent éclater à tout moment.

Les activités économiques et sociales sont quasiment à l’arrêt. Les marchés, qui sont le poumon de la vie locale, sont fermés, empêchant la population de subvenir à ses besoins essentiels. Les écoles, lieux d’éducation et d’espoir pour les enfants, ont cessé de fonctionner, privant une génération entière de son droit à l’éducation. Cette paralysie a des conséquences dramatiques, accentuées par le fait que la population, traumatisée, passe ses nuits dans les brousses, exposée à des conditions météorologiques extrêmes et sans accès à des abris, à de la nourriture ou à des soins médicaux.

La question se pose alors : que cherchent les FARDC et leurs alliés en instaurant ce climat de peur et de chaos ? Pourquoi ces déployement? Pourquoi seulement chez les Banyamulenge?

Dans un contexte où les médias publics se transforment en outils de propagande, glorifiant de manière fictive les "exploits" des dirigeants en place, les réseaux sociaux, malgré leurs imperfections, deviennent une source d'information précieuse pour le grand public. Ces plateformes, bien qu'imparfaites, permettent de révéler des vérités que les organes médiatiques traditionnels occultent volontairement.

Un document récemment diffusé sur ces réseaux a suscité une vive inquiétude. Daté, signé, et cacheté, il détaille un plan d'extermination des Banyamulenge, ciblant différents axes de leur communauté. Ce document, qui semble émaner d'une volonté coordonnée, est d'autant plus alarmant qu'il s'accompagne d'une campagne de désinformation savamment orchestrée.

Pour justifier ce projet macabre, les auteurs de cette propagande ont fabriqué une histoire totalement fictive. Ils accusent Sematama, membre de l'auto-défense Twirwaneho, d'avoir voyagé au Kenya pour des soins médicaux, puis au Rwanda pour participer à une supposée réunion clandestine. Cette rencontre imaginaire aurait rassemblé toutes les grandes figures des Banyamulenge, y compris Ruvuzangoma, président de la société civile de Minembwe. Cette allégation, totalement infondée, a pour seul but de semer la confusion dans l'opinion nationale et internationale, en faisant croire à l'existence d'une menace imminente orchestrée par les Banyamulenge.




Cette fiction mensongère n'est pas anodine. Elle vise à justifier des actions répressives, voire des violences systématiques, contre une communauté déjà marginalisée et persécutée. Les Banyamulenge, confrontés à une telle stigmatisation, ont toutes les raisons d’être profondément préoccupés. Cette campagne de déshumanisation ne fait qu'accentuer leur vulnérabilité, en légitimant aux yeux de certains une hostilité injustifiée et dangereuse.

Cette stratégie de déstabilisation et de terreur soulève des préoccupations graves. Est-il question d’une tentative d’éradication ou de déracinement d’une communauté spécifique ? certes, il y’a un agenda camouflé. Il est donc légitime pour les Banyamulenge, ainsi que pour tous les observateurs soucieux de la paix et des droits humains, de s’inquiéter face à cette situation où l’État semble non seulement incapable de contenir une rébellion organisée, mais également complice d’une persécution ciblée contre une communauté minoritaire. Une véritable stratégie de pacification s’impose, loin des alliances opportunistes et destructrices qui ne feront qu’aggraver les divisions ethniques et les souffrances humanitaires

Quelles qu’en soient les raisons, ces actes constituent des violations flagrantes des droits humains et des normes internationales. Les Banyamulenge, comme toute autre communauté, méritent de vivre dans la paix et la dignité. La communauté internationale, les organisations de défense des droits humains et les observateurs doivent redoubler de vigilance face à ces développements alarmants. Laisser cette situation se détériorer davantage serait une tragédie, non seulement pour les Banyamulenge, mais aussi pour l’ensemble de la région des Grands Lacs.

 

Le  5 décembre 2024

Paul Kabudogo Rugaba

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