Le président Tshisekedi a récemment prêté serment pour son deuxième mandat à la tête de la République démocratique du Congo, le 20 janvier 2024 à Kinshasa, lors de son investiture. Le discours inaugural a mis en lumière plusieurs priorités majeures pour les cinq prochaines années, mettant en évidence les défis auxquels le pays est confronté.
La première priorité déclarée par le président concerne la sécurité à l'est du pays. Cette région est depuis longtemps le théâtre de conflits complexes.
La situation à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) reste un défi majeur pour le président Tshisekedi, suscitant des interrogations sur la façon dont il peut rétablir la paix dans une région marquée par des conflits internes et des tensions avec des États voisins, en particulier le Rwanda
Cependant, des questions se posent quant à la stratégie adoptée pour ramener la paix. Le refus de négocier avec le M23, un groupe rebelle actif dans la région, soulève des doutes quant à la volonté politique de trouver des solutions pacifiques. La difficulté à comprendre les revendications, notamment, la question fondamentale du cahier des charges des tutsi Congolais reste sans réponse claire, nécessitant une solution adéquate et appropriée pour rétablir la paix et la sécurité émanant des divers mouvements successifs tels que l’AFDL, le RCD, le CNDP et le M23, Twirwaneho. Ces groupes ont été au cœur de l’actualité de crises sécuritaires récurrentes qui ajoutent une couche d'instabilité à la République démocratique du Congo depuis des décennies. La nécessité d'une explication approfondie de ces revendications devrait être mise en avant pour éclairer la population congolaise.
La mise en lumière de ces interrogations s'avère aussi cruciale dans le contexte des réalités complexes de la RDC. L'existence de quelque 250 groupes armés terroristes que le chef d’état a érigé, à tort, au rang des réservistes, dans la région est un témoignage de la fragmentation du paysage, où des intérêts économiques liés aux ressources naturelles alimentent un cycle de violence persistant.
A leur actif, ces groupes ont repris intensément leurs attaques contre la population Banyamulenge depuis la campagne présidentielle de 2023 qui leur a donné le feu vert. Pour la énième fois, le 18 janvier 2024, les Maï-maï ont attaqué Bibogobogo, les villages de Banyamulenge dans les Moyens-Plateaux de Fizi. Outre les villages brûlé et des vache pillées, ces terroristes ont procédé à une destruction systématique des écoles et centres de santé. Nous pouvons citer : école primaire Lwebo CEPAC à Magunga, école primaire tembo adventiste à Magunga, école primaire Rutabura méthodiste libre à Nyagisozi et le centre de santé Nyagisozi. Aujourd’hui le 22 janvier 2024, à Murambya, groupement de Bijombo, territoire d’Uvira, les Imbonerakure du Burundi ont pillé les vaches appartenant à Ngiriyoni Swing, Ngirabakunzi, ndayisenga et nehemiya des des déplacés Banyamulenge abandonnés à leurs triste sort.
L'idée de recourir à la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADEC) pour résoudre la crise suscite des inquiétudes. La SADEC intervient dans un environnement complexe où des discours de haine sont proférés par des officiels congolais, des leaders politiques, des acteurs de la société civile et des groupes armés locaux. Ces discours exacerbent souvent la crise humanitaire, ciblant particulièrement la communauté Tutsi du nord et du Sud-Kivu.
La manipulation des discours apparaît comme une stratégie délibérée pour maintenir ce statu quo. L'instrumentalisation des communautés, la diffusion d'éléments de langage spécifiques et l'opposition entre différents groupes font partie intégrante de cette stratégie. Elle vise à diviser pour mieux régner, à détourner l'attention des véritables enjeux pour mieux préserver des intérêts particuliers. Le défi fondamental réside dans la distinction entre l'ignorance véritable et l'instrumentalisation délibérée.
Alors, sommes-nous réellement face à de l'ignorance ou à une manipulation sophistiquée ? La réponse pourrait résider dans une analyse minutieuse des acteurs, de leurs motivations et des dynamiques régionales. Déconstruire les discours complexes et démêler les fils de la vérité exige un effort collectif, guidé par un engagement envers la transparence, la justice et la résolution pacifique des conflits. Option que rejette catégoriquement le régime de Kinshasa.
Il est crucial de se demander quelles actions seront entreprises si les forces de la SADEC échouent. Cette incertitude souligne l'importance d'explorer des solutions alternatives et de s'assurer que toutes les options sont envisagées pour éviter d'envenimer davantage la situation.
Bien plus, la perplexité entoure la déclaration de guerre apparente du président Tshisekedi, non seulement contre une partie de sa propre population mais également contre certains États voisins, en particulier le Rwanda.
L'accusation d'annexion de la RDC par le Rwanda, ainsi que la notion d'un prétendu "empire hima tutsi", sont de pures projections imaginaires visant à instaurer un "bantou land" excluant toute personne d'une ethnie autre que les Bantous dans toute l'Afrique sub-saharienne. Ces discours, largement propagés sur les réseaux sociaux, sont ne sont des amalgames historiques alimentant la haine pour créer des bouc-émissaires. Les Congolais, souvent privés de critiques constructives, semblent être influencés par cette propagande, acceptant sans discernement des perceptions simplistes et biaisées.
Il est crucial de comprendre que la complexité des enjeux va au-delà des étiquettes ethniques. Les discours tendancieux qui regroupent les peuples de différentes cultures dans un même panier en raison de leur non-appartenance à l'ethnie Bantou sont source de division. Les Congolais sont appelés à analyser de manière critique ces messages de haine et à promouvoir la compréhension mutuelle au lieu de succomber à la manipulation propagandiste.
La quête de la paix à l'est de la RDC est confrontée à des obstacles multiples, allant des conflits armés aux difficultés politiques et aux manipulations de l'information. Le président Tshisekedi doit adopter une approche stratégique, privilégier le dialogue et rechercher des solutions inclusives pour répondre aux attentes de toutes les parties concernées, tout en sensibilisant la population à la nécessité de dépasser les clivages ethniques et de rejeter la propagande haineuse. La résolution de ces défis complexes demandera un engagement collectif et une vision à long terme pour instaurer une paix durable dans la région.
Au-delà de la question sécuritaire, la légitimité du président Tshisekedi fait l'objet de débats, étant donné les irrégularités signalées lors du processus électoral. Il est souligné que le chef de l'État doit absolument affirmer son autorité et assumer ses responsabilités avec légitimité, même auprès de la majorité qui ne l’a pas voté en sa faveur. Cette légitimation est un défi supplémentaire pour le président, notamment dans un contexte politique complexe.
Le discours du président abordait également des aspects sociaux et économiques. Malheureusement, la mise en œuvre de mesures significatives dans ces domaines est entravée par des facteurs externes, notamment l'influence limitée sur les secteurs clés de l'économie, tels que les mines, largement contrôlées par des intérêts étrangers, en particulier chinois. Cette dépendance économique complexe rend difficile l'amélioration des conditions de vie des Congolais et l'augmentation du pouvoir d'achat.
En examinant la transition entre le premier et le deuxième mandat, il est noté que malgré la consolidation de la majorité présidentielle, les défis persistants demeurent. Le président Tshisekedi, bien qu'ayant déjà à sa disposition les outils nécessaires de gouvernance, continuera de faire face à des obstacles en raison de son manque de contrôle sur certains éléments clés et de son incapacité à répondre aux aspirations du peuple et des contestataires nationaux. De surcroît la CENI vient de commettre une erreur d'écarter le ministre d'état Alexis Alexi Gisaro, grâce à qui il pouvait présenter un maigre bilan au plus ou moins positif.
En conclusion, le deuxième mandat de Tshisekedi en RDC est confronté à des défis complexes, allant de la sécurité régionale à la légitimité politique et aux contraintes économiques. La capacité du président à surmonter ces défis déterminera la réussite de son programme et la réalisation de ses engagements envers le peuple congolais. Autrement, c’est un fiasco qui se dessine à l’horizon.
le 22 janvier 2024
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