Les véritables enjeux derrière la visite de Madame Keita Bintou dans les montagnes du Sud Kivu
Madame Keita Bintou, représentante de l'ONU, a effectué une visite récente dans les montagnes du Haut Plateau du Sud Kivu le 29 février 2024. Accompagnée d'autorités militaires et locales, elle évalue la mise en œuvre d'un plan de désengagement décidé en 2023 et endossé par le Conseil de sécurité. Elle a dialogué avec différentes couches de la population, y compris les déplacés internes et les autochtones, qui ont recommandé le désenclavement de certaines routes, le retour des déplacés dans leurs régions d'origine et l'anticipation de la traque des groupes armés.
Cette visite est intervenue une semaine après que les habitants ont pris l'initiative de dialoguer pour instaurer la paix dans leurs communautés. Les discussions ont abouti à un consensus visant à reconstruire leur société et à promouvoir la coexistence pacifique. Cependant, l'attention s'est détournée de cette avancée positive lorsque Madame Keita a soudainement fait une visite au camp de déplacés à Mikenge, prétendant faussement que l'initiative émanait d'elle-même mais aussi annonçant le désengagement la MONUSCO sur laquelle la population voulait coopérer pour la réussite de ce processus de pacification entrepris.
Peu de temps après son départ, un seul jour, si je ne m’abuse, la région a été secouée par une série d'attaques menées par les Maï-maï appuyés par les forces burundaises, laissant présager un regain de l’escalade de la violence. Ce qui a suscité des questions sur sa présence dans cette région troublée et don les casques bleus n’ont jamais eu la volonté de pacifier.
Ce schéma n'est pas nouveau : à maintes reprises, les représentants des Nations unies ont été critiqués pour leur rôle dans l'intensification des conflits après leurs visites, comme cela a été le cas avec la visite précédente du vice-secrétaire général de l'ONU, M. Lacroix et d’autres qui l’ont suivi.
Un aspect particulièrement troublant de cette situation est le silence de Madame Keita concernant la présence persistante des forces burundaises qui assiègent la région depuis des années, et qui continuent se renforcer, alors même que des rapports alarmants de la population locale dénoncent leurs attaques contre les Banyamulenge. Un officier burundais a dit ouvertement sur les médias sociaux qu’ils sont aussi de Wazalendo.
Ce double standard évoque douloureusement les heures sombres de l'histoire, où les Nazis justifiaient des actes de barbarie contre les Juifs au nom du patriotisme. On a observé la même situation en 1994 lors du génocide de Tutsi au Rwanda. (Kugenda kumurimo= aller au travail) Aujourd'hui, ce même schéma se reproduit : ceux qui se revendiquent patriotes, entre autres la Lucha, l'UDPS, les Wazalendo, défendent et perpétuent des atrocités, tandis que les organisations d'autodéfense des communautés ciblées sont injustement qualifiées de criminels plutôt que de patriotes. Madame Bintou Keita n'a jamais publiquement condamné les actes horribles de lynchage public et de cannibalisme, tout en se permettant de critiquer d'autres actions visant à restaurer l'ordre. Sa visite semble ainsi s'inscrire dans une opposition à l'initiative courageuse de la population, fatiguée des conflits interminables, et déterminée à écrire un nouveau chapitre pour son avenir.
La MONUSCO face à son rôle ambigu en RDC : L'échec d'une mission de pacification
Dans un discours récent, Madame Bintou Keita a pris la parole pour dénoncer timidement les exactions des groupes armés Nyatura au Nord-Kivu en République Démocratique du Congo (RDC). Elle les a accusés de perpétrer des atrocités contre les populations civiles, authentifiant ainsi une réalité bien connue de tous. En effet, malgré cette condamnation, une observation plus approfondie révèle une réalité encore plus sombre : ces mêmes groupes armés, désormais rebaptisés Wazalendo, continuent de semer la terreur aux côtés des Forces Armées de la RDC (FARDC) qui bénéficient d’un appui manifeste de la MONUSCO contre des populations civiles, notamment les Tutsis congolais. C'est une situation particulièrement préoccupante, d'autant plus que la MONUSCO, chargée de combattre ces groupes armés, est désormais ouvertement associer à eux au lieu de les affronter. Cette contradiction évidente met en lumière des lacunes importantes quant à l’intégrité des actions menées par la mission de maintien de la paix de l'ONU dans la région du Kivu.
En outre, les résultats et la véritable mission de la MONUSCO au cours des 25 dernières années suscitent des questionnements légitimes. Un echec total! Au lieu de se concentrer sur la protection des civils, la MONUSCO contribuer volontairement, sous prétexte d’appuyer le FARDC, au recrutement et à l'utilisation d'enfants par les groupes armés qui perpétuent des attaques brutales contre les populations civiles, notamment les Tutsis congolais et Les Hema qui sont victimes de violences à quelques mètres des positions des FARDC et de la MONUSCO, sans que celles-ci n'interviennent pour les protéger, malgré les alertes.
Dans cette optique, nous en appelons à Madame Bintou Keita pour qu'elle prenne du courage pour prendre de mesures concrètes afin de lancer une opération contre la milice CODECO, responsable du génocide perpétré contre les Hema en Ituri. Nous comprenons les défis inhérents à cette entreprise, notamment le fait que la milice CODECO fait partie des Wazalendo, soutenus par Kinshasa. Cependant, il est impératif que la MONUSCO fasse preuve de fermeté et d'engagement envers sa mission de protection des populations civiles, en particulier les plus vulnérables. Dans le cas contraire, il ne faut pas qu’elle face obstructions a l’AFC qui vole au secours des population en détresse.
Malheureusement, les enjeux vont au-delà des seuls groupes armés locaux. Certains observateurs pointent du doigt une responsabilité plus large, évoquant une manipulation orchestrée à des niveaux politiques supérieurs. Selon eux, l'absence de volonté de négociation de la part de certaines parties, notamment le régime de Kinshasa, serait motivée par des intérêts stratégiques visant à perpétuer un plan savamment conçu pour l'extermination des Tutsis. Derrière ces manœuvres se profileraient l'influence de puissances étrangères, telles que la France, la Belgique, et même l'ONU, qui, sous l'égide de personnalités influentes comme M. La Croix, auraient du mal à se soustraire à des agendas cachés. Cette théorie éveille des résonances troublantes avec le passé, notamment en faisant écho aux critiques de l'opération Turquoise, dont l’Est de la RDC vit les conséquences en des épisodes tragiques de son histoire. Cette situation soulève des questions fondamentales sur le rôle et l'intégrité des institutions internationales dans la promotion de la paix et de la justice.
Face à cette complexité, il devient impératif pour la communauté internationale de redoubler d'efforts pour protéger les populations civiles vulnérables en RDC. Cela nécessitera une réévaluation sérieuse des politiques de paix et de sécurité, ainsi qu'une prise de conscience des enjeux politiques sous-jacents. Seule une action concertée, guidée par des principes de justice et de respect des droits de l'homme, pourra espérer mettre un terme à ce cycle de violence et ouvrir la voie à un avenir de paix et de stabilité pour toutes les communautés de la région.
En conclusion, il est temps de remettre en question le rôle et l'efficacité de la MONUSCO en RDC. L'organisation doit redoubler d'efforts pour remplir son mandat avec intégrité et efficacité, et pour s'assurer qu'elle ne contribue pas involontairement à l'aggravation des conflits et des souffrances des populations civiles dans la région du Kivu.
En outre, Il est impératif que des mesures soient prises pour corriger ces incohérences et garantir une véritable protection des droits fondamentaux de toutes les communautés, sans discrimination ni partialité.
le 10 mars 2024
Paul Kabudogo Rugaba
Comments