
La question des frontières et de l'identité nationale en République Démocratique du Congo (RDC) reste un sujet complexe et souvent source de tensions. Le fait que ce pays porte le nom d'une tribu, les Bakongo, a instauré un déséquilibre dans la perception de la citoyenneté. Ainsi, les populations de l'Ouest tendent à se considérer comme les seuls véritables citoyens, reléguant celles de l'Est à un statut marginal, voire étranger.
Ce phénomène de marginalisation a donné lieu à une exploitation systématique des populations de l'Est, traitées comme des êtres inférieurs ou des objets. Le rejet de leur citoyenneté par certains groupes de l'Ouest révèle une stratégie consciente de discrimination.
L'Est du pays, pourtant riche en ressources naturelles, est en proie à une instabilité chronique, alimentée par des discours de haine et des manipulations politiques. L'étiquetage systématique des locuteurs du kinyarwanda comme étrangers ou "rwandais" est une stratégie de déshumanisation qui facilite leur exclusion et leur persécution.
Le Congo, dans ses frontières actuelles, est une création coloniale belge qui ne reflète pas la réalité historique des peuples qui l'habitent. Avant la colonisation, les populations de l'Est étaient déjà là depuis des siècles. Pourtant, certains acteurs politiques tentent d'effacer cette vérité historique pour justifier leur politique d'exclusion.
Le rejet des rwandophones par une partie des swahiliphones, sous prétexte de différences linguistiques et culturelles, n'a fait qu'aggraver la fragmentation de la société congolaise. Cette alliance opportuniste entre certains swahiliphones non rwandophones et les détracteurs des populations de l'ouest a permis l'émergence d'une rhétorique raciste, conduisant à des génocides passés et à la persécution continue de certaines communautés, notamment les Tutsis du Sud et du Nord-Kivu, ainsi que les Hema d'Ituri.
Hier encore, le 3 mars 2025, deux des trois localités où les Banyamulenge survivent dans des conditions similaires à une prison à ciel ouvert – Minembwe et Bibogobogo – ont été la cible d’attaques coordonnées menées par les Wazalendo, milices favorisées par le gouvernement de Tshisekedi, ainsi que par les forces burundaises.
Au total, neuf villages, y compris celui des déplacés de guerre de Mikenke, ont été incendiés. La population, contrainte de fuir dans les brousses, se retrouve désormais livrée à elle-même, sans aucun secours ni aide humanitaire. Le nombre exact de victimes reste inconnu, car les corps sont dispersés et les conditions ne permettent pas un décompte précis.
À Minembwe, les attaques incessantes se poursuivent depuis décembre dernier. Cette coalition meurtrière, composée des FDLR, des forces burundaises, des Wazalendo et des FARDC, continue de marteler la région sans relâche, plongeant ses habitants dans une insécurité totale.
Il est important de souligner que les Wazalendo, en grande majorité, sont issus de groupes criminels composés de voleurs armés, de violeurs et de jeunes issus de la rue sans aucune éducation. Leur passage ne laisse derrière eux que destruction et désolation.
Face à cette tragédie, l’indifférence de la communauté internationale est alarmante. Jusqu’à quand laissera-t-on ces populations être exterminées sous le regard complice des autorités congolaises et de leurs alliés ?
Les conséquences de cette discrimination sont dramatiques : des populations entières ont été déplacées, des villages détruits, et des milliers de personnes vivent en exil depuis plus de 30 ans. Ceux qui restent sont la cible d'attaques visant leur déracinement. Pourtant, ces atrocités ne suscitent que peu de réactions à l'international.
Aujourd'hui, la persécution ne s'arrête plus aux seules communautés tutsies. Tous les Swahiliphones deviennent à leur tour des cibles. Des scènes de lynchage et de cannibalisme ont été observées, mais elles ne provoquent aucune indignation à l'échelle mondiale. La rhétorique qui justifie ces actes repose sur l'idée que ces victimes sont des étrangers.
Face à cette situation inacceptable, des voix s'élèvent pour réclamer une nouvelle approche. Comme l'a dit Bisimwa Bertrand : "Si le Congo ne veut pas de nous, il n'a qu'à partir."
Les habitants de l'Est doivent se poser une question essentielle : jusqu'à quand continueront-ils à se sacrifier pour un pays qui ne reconnaît ni leur identité ni leurs droits ? Il est temps de repenser leur avenir, d'exiger un traitement égal et de ne plus accepter d'être les otages d'un système qui les exploite sans leur accorder une reconnaissance légitime.
L’Est de la République Démocratique du Congo regorge de ressources, mais sa richesse est confisquée par une minorité qui alimente la division et la haine pour asseoir son pouvoir. Il est nécessaire de remettre en cause ce système et de réfléchir à une alternative où tous les citoyens, quelle que soit leur origine, puissent bénéficier d'un véritable état de droit.
Le moment est venu de penser autrement. L'histoire et la géographie ne doivent pas être manipulées à des fins de domination et d'exclusion. Les habitants de l'Est doivent prendre conscience de leur valeur et de leur droit légitime à exister dignement dans leur propre pays. Repenser les frontières et l'identité de la RDC, c'est poser la question de l'injustice historique et contemporaine, et envisager un avenir où chaque citoyen, quel que soit son lieu de naissance, puisse vivre librement et dignement.
Il est temps d'engager un débat national inclusif qui reconnaisse la diversité du pays et répare les erreurs du passé. Si la RDC souhaite réellement devenir un État unitaire et démocratique, elle doit garantir à tous ses citoyens les mêmes droits, sans distinction de langue, d'ethnie ou de région d'origine.
Le 04 mars 2025
Paul Kabudogo Rugaba
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