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Paul KABUDOGO RUGABA

 Un Appel à la Reconnaissance de la Vérité Historique

  1. Une menace pour la vérité et la cohésion sociale.

 

Effacer une partie de l’histoire ne peut en aucun cas résoudre la question de la nationalité des Banyamulenge. L'histoire est la mémoire collective d'un peuple, et tenter de gommer ou de réécrire certains chapitres pour répondre à des préoccupations politiques ou idéologiques est une approche dangereuse qui compromet non seulement la vérité, mais aussi la cohésion sociale. Les Banyamulenge, comme bien d’autres communautés en Afrique, sont le produit d’un héritage historique complexe, façonné par les migrations, les délimitations coloniales, et les interactions culturelles. Ignorer cette réalité, c’est nier un pan essentiel de l’histoire de la République Démocratique du Congo (RDC).

Les Banyamulenge, Tutsi par origine, sont présents sur les Hauts Plateaux de l’actuel Sud-Kivu depuis plusieurs siècles. Leur intégration dans les frontières de la RDC n’est pas le fruit d’une immigration récente, mais bien d’une conséquence des décisions coloniales qui ont redessiné les cartes africaines au début du XXe siècle. L’histoire des Banyamulenge est liée à celle de la formation des États africains modernes, et tenter de l’effacer reviendrait à nier ce processus même. Il est essentiel de reconnaître que les frontières actuelles sont le résultat des politiques coloniales, et que plusieurs communautés africaines se sont retrouvées coupées ou partagées entre différents pays à la suite de ce découpage arbitraire. Cela n’enlève en rien leur légitimité à revendiquer leur appartenance à la RDC.

Le refus de reconnaître cette réalité historique relève également d’une volonté politique visant à maintenir une certaine domination sur des groupes minoritaires par une campagne de désinformation. L’effacement d’une partie de l’histoire des Banyamulenge s'inscrit dans une tentative plus large de déraciner de leur culture et de délégitimer leur existence en tant que citoyens congolais. Pourtant, la nationalité n'est pas une question de choix ou d’opinion politique : elle est inscrite dans les faits historiques et les réalités culturelles. Les Banyamulenge sont Congolais non pas parce qu’ils doivent satisfaire aux critères physiques et culturels imaginaires, mais parce que leur histoire le prouve.

La solution à la question de la nationalité des Banyamulenge ne réside pas dans l’oubli ou la manipulation de l’histoire, mais dans la reconnaissance de la réalité telle qu’elle est. Le gouvernement congolais a la responsabilité d'assumer l’histoire de ses populations, de reconnaître les droits de ses citoyens, et de promouvoir une inclusion basée sur la vérité historique. Ce n’est qu’en acceptant le passé et en l’utilisant comme fondement que la RDC pourra espérer bâtir un avenir commun solide, où toutes les communautés, y compris les Banyamulenge, auront leur place légitime.


2. Nier les ressemblances culturelles et physiques : une approche stérile


Par ailleurs, nier toute ressemblance physique et culturelle avec les voisins des pays limitrophes n’est pas non plus une solution à la question de la nationalité des Banyamulenge. L’identité d’un peuple ne peut se définir uniquement par la rupture avec ses voisins, surtout dans une région aussi complexe et interconnectée que la région des Grands Lacs. Les frontières modernes des pays africains, dont celles de la République Démocratique du Congo (RDC), sont des constructions coloniales récentes qui ne tiennent pas compte des réalités historiques, ethniques et culturelles qui existaient bien avant la création des États-nations.

Les Banyamulenge, comme d’autres communautés dans cette région, partagent inévitablement des traits physiques, la culture et la langue avec des populations vivant de l’autre côté des frontières. Ce n’est ni une anomalie, ni un problème. Plutôt que d’être perçues comme un obstacle à l'identité nationale, elles devraient être reconnues comme une richesse et une illustration de l’histoire complexe de cette partie du monde.

Tenter de nier ces ressemblances revient à ignorer l'histoire africaine elle-même. Avant la colonisation, les communautés vivaient selon des dynamiques fluides, sans se soucier des lignes artificielles tracées ultérieurement par les puissances coloniales. Les Banyamulenge, tout comme d’autres peuples de la région, ont traversé ces territoires bien avant l’imposition des frontières modernes. Le fait que certains d’entre eux puissent partager des traits communs avec des Tutsi du Rwanda ou du Burundi ne remet pas en cause leur légitimité en tant que Congolais.

L’obsession à vouloir différencier physiquement ou culturellement les Banyamulenge des Tutsi d’autres pays découle d’une volonté de les aliéner. Pourtant, cette démarche est non seulement injuste, mais également futile. Il ne suffit pas de souligner les différences entre les Banyamulenge et les autres Tutsi pour légitimer la congolité des premiers. Cette quête de distinction ne doit pas servir à prouver leur appartenance au Congo. La ressemblance physique ou culturelle ne détermine pas la nationalité. La nationalité est un concept politique et juridique, fondé sur des critères définis par l’État, et non sur l’apparence ou les coutumes.

Il est crucial de rappeler que les Banyamulenge ne sont pas les seuls Tutsi en République Démocratique du Congo (RDC) à faire face au rejet et à la marginalisation. Au Nord-Kivu, d’autres Tutsi subissent des défis similaires. Face à cette réalité, il est impératif que tous les Tutsi de la RDC unissent leurs efforts pour revendiquer leurs droits.L’union fait la force, dit-on, et malgré la distance qui les sépare, la contribution de chaque groupe ne doit pas être sous-estimée.

Tenter de mener une lutte séparée revient à tomber dans le piège tendu par ceux qui cherchent à diviser pour mieux anéantir. Le véritable danger réside dans cette fragmentation, qui affaiblit la résistance et compromet les aspirations communes. L’histoire a souvent montré que la division interne est l’un des outils les plus efficaces pour détruire un groupe. Ainsi, face à un contexte de rejet et de persécution, la solidarité est la seule voie qui permettra aux Tutsi de la RDC de se défendre et de prospérer ensemble. 

Le véritable enjeu n’est pas la ressemblance culturelle ou physique avec les voisins, mais bien l’acceptation de la diversité au sein de la nation congolaise. La RDC est un pays vaste, composé de centaines d’ethnies et de cultures différentes. Cette diversité est une force, à condition qu’elle soit acceptée et valorisée. L’identité nationale ne se construit pas en opposition aux autres, mais en intégrant les diverses composantes qui font la richesse d’un pays. Les Banyamulenge, avec leurs particularités culturelles et leur histoire unique, font partie intégrante de cette mosaïque congolaise.


3. Les fausses questions sur l'identité Banyamulenge


La question de la confusion entre les Tutsi congolais et rwandais ne devrait jamais être posée aux Banyamulenge, car elle dépasse les compétences communautaires. Il n'appartient à personne de prétendre qu'il y a une confusion sur l'identité d'un autre, surtout dans un pays comme la République Démocratique du Congo (RDC) où personne ne peut prétendre connaître l'ensemble de la population. L'identification des citoyens relève exclusivement de la compétence de l'État, et si ce dernier est incapable de distinguer ses propres ressortissants, c'est une preuve d'un grave dysfonctionnement. C’est un État défaillant.

Pourquoi, dans ce cas, ne pose-t-on pas la question de différencier un Congolais de la RDC d’un Congolais du Congo-Brazzaville, deux pays partageant une frontière et des similitudes culturelles ? Ce prétendu problème de confusion entre Tutsi congolais et rwandais, basé sur une ressemblance physique ou linguistique, n’est qu’un prétexte. Derrière cette question se cache en réalité un racisme sournois, une stratégie pour marginaliser un groupe particulier, en l’occurrence les Tutsi de la RDC.

Il est important de souligner que les Tutsi congolais ne constituent pas un groupe démographique numériquement menaçant. Au contraire, il existe en RDC d'autres tribus, bien plus nombreuses et présentes de part et d'autre des frontières du pays, dont l'origine n'est pourtant jamais remise en question. Cette focalisation sur les Tutsi, en particulier les Banyamulenge, révèle une méconnaissance, voire un mépris, de l’histoire du partage de l’Afrique et des délimitations coloniales qui ont façonné les frontières actuelles de la RDC. Si les autorités congolaises ne sont pas capables de comprendre cette histoire, elles ne méritent pas de gouverner un pays aussi complexe.

Les Banyamulenge, pour leur part, ont fait preuve de bonne volonté à maintes reprises. Afin de lever toute ambiguïté sur leur identité, ils ont changé de nom pour se distinguer des Tutsi d’autres pays, et ont fourni des explications historiques, documents à l’appui, pour prouver leur appartenance à la RDC. Ils ont également contribué à la défense et à la souveraineté du pays, montrant un engagement sans faille. Mais malgré leurs efforts pour s’intégrer et revendiquer leurs droits, on continue à leur refuser la reconnaissance qu’ils méritent.

En théorie, la question de savoir qui est Congolais et qui ne l'est pas devrait être close. L'État dispose des outils juridiques et administratifs nécessaires pour trancher cette question. Il est incompréhensible que cette question continue de se poser au sein même de la RDC. Si c’est un étranger qui la soulève, cela pourrait encore se comprendre, mais pas quand elle provient des Congolais eux-mêmes. Et si certains Congolais ne parviennent toujours pas à saisir cette réalité, tant pis pour eux. Il est inutile de répéter indéfiniment les mêmes vérités, car ce n’est pas la répétition qui apportera la compréhension. Peut-être comprendront-ils finalement par les conséquences de leur ignorance.

Il est temps d’arrêter de poser de fausses questions, d’instrumentaliser une prétendue confusion pour justifier l'exclusion d’un groupe qui a largement prouvé son attachement à la RDC. Le vrai problème n'est pas celui de l'identité, mais bien celui d'un racisme latent qui refuse de dire son nom.


Le 16 sept. 2024

Paul Kabudogo Rugaba

 

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