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L’Aliance Fleuve Congo (AFC) semble emprunter un chemin qui n’est pas sans rappeler les erreurs fatales de ses prédécesseurs, notamment l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL) et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). Ce schéma, basé sur l’impunité accordée aux instigateurs de l’idéologie de rejet et d’exclusion, conduit invariablement à la récurrence des conflits et des guerres au Congo. Cette dynamique mérite une analyse approfondie pour en saisir les mécanismes et proposer des alternatives.
L’une des caractéristiques communes des mouvements politiques et rebelles en RDC a été la réintégration sans conditions de personnes ayant promu des idéologies ségrégationnistes ou orchestré des actes de rejet envers certaines communautés. Cette stratégie est souvent motivée par un calcul politique : obtenir l’adhésion massive des adeptes de ces idéologues afin de renforcer le poids politique ou militaire du mouvement.
Cependant, cette approche comporte un coût élevé. En conférant à ces individus des postes de responsabilité ou de commandement, ils deviennent rapidement dominants au sein de la structure. Leur influence s’étend, et leurs idéologies, loin d’être neutralisées, s’institutionnalisent. Cela crée un cercle vicieux où la véritable cause du conflit, à savoir la réhabilitation des droits des communautés marginalisées, est systématiquement ignorée.
Lorsqu’un mouvement de rébellion ou de réforme place des instigateurs ségrégationnistes dans des positions clés, l’objectif de départ – résoudre les injustices et les discriminations – est sacrifié. La priorité devient alors de renverser le régime en place, souvent au détriment de toute vision à long terme. Une fois au pouvoir, ces dirigeants issus de milieux ségrégationnistes maintiennent leur emprise en continuant à exclure certaines communautés.
Ainsi, au lieu de réduire les tensions, leur gouvernance les exacerbe, car ils utilisent leur majorité politique pour légitimer des discours de haine et perpétuer l’exclusion. Ce modèle, qu’on pourrait appeler « la dictature et l’oppression par la majorité », constitue une menace durable pour la stabilité et la cohésion nationale.
L’impunité dont bénéficient les promoteurs de l’exclusion a des conséquences profondes. Non seulement ces derniers conservent leur influence, mais ils redessinent des stratégies plus sophistiquées pour marginaliser davantage les communautés rejetées. Ce processus, cyclique par nature, explique pourquoi les conflits en RDC sont devenus chroniques et de plus en plus complexes.
Chaque nouveau mouvement, animé par une volonté de changement, finit par reproduire les erreurs de ses prédécesseurs. En intégrant les idéologues ségrégationnistes sans les contraindre à abandonner leurs pratiques ou à répondre de leurs actes, ces mouvements perpétuent les causes profondes des conflits.
Laurent-Désiré Kabila : Une opportunité manquée
Lors de son arrivée au pouvoir en 1997, Laurent-Désiré Kabila avait bénéficié du soutien des Tutsi Banyamulenge et des forces rwandaises. Cependant, une fois consolidé au sommet de l’État, il s’est rapidement éloigné de cette communauté, allant jusqu’à la marginaliser et la massacrer. Les alliances initiales, qui semblaient prometteuses pour les Tutsi, se sont transformées en trahison manifeste. Kabila a embrassé une rhétorique nationaliste qui diabolisait les Tutsi pour apaiser une opinion publique manipulée par des discours xénophobes, préparant ainsi le terrain pour leur exclusion systématique.
Joseph Kabila : Une continuité de l’exclusion
Joseph Kabila, successeur de son père, a poursuivi une politique ambiguë à l’égard des Tutsi. Bien qu’il ait maintenu une relation pragmatique avec le Rwanda pour des raisons stratégiques, il n’a jamais œuvré de manière significative à la réhabilitation des droits des Banyamulenge ou des Tutsi en RDC. Les efforts de paix, tels que les Accords de Lusaka et de Sun City, ont souvent exclu les revendications légitimes des communautés tutsi, les laissant à la merci des discriminations, des attaques armées, et des déplacements forcés.
Joseph Kabila a également toléré, voire encouragé, la montée en puissance des groupes armés anti-Tutsi, consolidant ainsi une dynamique où cette communauté devenait un bouc émissaire des tensions sociales et politiques en RDC.
Félix Tshisekedi : Le poids des calculs électoraux
L’actuel président, Félix Tshisekedi, semble s’inscrire dans cette même logique. À l’approche des élections, il privilégie des alliances politiques qui consolident son pouvoir, même si elles impliquent l’exclusion des Tutsi. En quête de popularité dans les provinces du Kivu, Tshisekedi s’appuie sur des acteurs locaux qui instrumentalisent le rejet des Tutsi pour rassembler des soutiens.
Cette stratégie a des conséquences désastreuses :
Légitimation des discours de haine : En tolérant les instigateurs de l’idéologie anti-Tutsi, le régime actuel renforce les discriminations structurelles et les violences ciblées contre cette communauté.
Exclusion politique : Les Tutsi restent sous-représentés dans les sphères de pouvoir, malgré leur contribution historique et leurs revendications légitimes.
Aggravation des conflits : En sacrifiant les droits des Tutsi pour des gains politiques à court terme, le régime alimente les tensions communautaires et compromet la paix à long terme.
Les Tutsi : Une cause sacrifiée sur l’autel du populisme
Les dirigeants congolais, de Laurent-Désiré Kabila à Félix Tshisekedi, ont tous échoué à s’attaquer aux causes profondes de l’oppression des Tutsi. Ces échecs ne sont pas seulement des erreurs politiques, mais des choix délibérés dictés par des calculs électoraux. En se distanciant des revendications légitimes des Tutsi, ils ont choisi de capitaliser sur les préjugés et les peurs de la majorité, sacrifiant une communauté déjà marginalisée pour préserver leur pouvoir.
Une urgence pour l’avenir
Si cette dynamique n’est pas inversée, les cycles de violence et d’exclusion continueront de se perpétuer en RDC. Les dirigeants actuels doivent reconnaître que la paix durable et la stabilité passent par l’inclusion et la justice. Cela implique :
reconnaissance des droits des Tutsi et des Banyamulenge comme citoyens congolais à part entièreen s’attaquant aux racines du conflit. L’injustice et l’exclusion systématiques doivent être combattues à travers des réformes inclusives et participatives.
La mise en place de mécanismes de justice transitionnelle pour réparer les injustices passées en rejetant l’impunité : Les instigateurs des idéologies ségrégationnistes doivent être tenus responsables de leurs actes, et non récompensés par des postes de pouvoir.
Une rupture claire avec les discours de haine et les pratiques discriminatoires en Promouvant une réconciliation véritable. Une réconciliation durable nécessite des mécanismes de justice transitionnelle et un dialogue sincère entre toutes les communautés.
Les élections ne doivent plus servir de prétexte à l’instrumentalisation de la souffrance d’une partie de la population. La RDC a besoin d’un leadership courageux, prêt à défendre les droits de tous ses citoyens, sans exception. Si l’AFC échoue à adopter une approche différente de ses prédécesseurs , elle risque de prolonger les cycles de guerre et d’exclusion qui ont marqué l’histoire récente de la RDC. Il est crucial d’apprendre des erreurs du passé pour construire un avenir où toutes les communautés, sans distinction, jouissent des mêmes droits et opportunités. Seule une rupture radicale avec la logique de l’impunité et de la discrimination pourra garantir une paix durable au Congo.
le 09 decembre 2024
Paul Kabudogo Rugaba
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