Il est devenu de plus en plus courant de voir, dans les certaines églises de réveil, des prédicateurs adopter une posture particulière lorsqu’ils s’adressent à leurs fidèles : l'une de leurs mains glissées dans la poche, tandis que l’autre tient fermement le micro. Leur voix, projetée à haute intensité, résonne dans la salle jusqu’à ce qu’ils transpirent abondamment. Dans un geste presque mécanique, ils sortent un mouchoir de leurs poches pour s’éponger le front ou se moucher. Mais au lieu de ranger soigneusement ce mouchoir ou de le mettre de côté, ils le déposent négligemment sur la chaire, à côté de la Bible qu’ils utilisent pour leur prêche. Un tel comportement pose de véritables questions d'hygiène et d'attitude.
D'abord, le simple fait de poser un mouchoir imprégné de sueur et probablement de mucosités à côté d'un objet sacré comme la Bible semble manquer de respect, non seulement pour le livre lui-même, mais aussi pour l'espace de prédication. Le mouchoir, déjà porteur de germes, est en contact direct avec un texte que l’on considère sacré et que beaucoup manipuleront après. On peut légitimement se demander si ces prédicateurs, souvent absorbés par leur message, réalisent l'impact de cette attitude.
Quant à la posture avec une main dans la poche, elle est si fréquente qu’elle semble devenir une nouvelle norme parmi certains prédicateurs. Est-ce une question de style ou de confort ? Peut-être est-ce une manière inconsciente d’exprimer une forme d’autorité, ou alors une posture moderne, plus détendue. Néanmoins, elle contraste fortement avec les règles de bienséance et de décorum que l’on pourrait attendre dans une église. Une telle attitude pourrait être perçue comme un signe de désinvolture ou même d’arrogance, comme si le prédicateur prenait une certaine distance, voire une supériorité par rapport à son auditoire.
En plus de ces gestes, ce qui frappe le plus, c'est le ton employé. Ces prédicateurs tonnent avec une telle véhémence qu’on pourrait croire qu’ils s’adressent à des personnes qui ne comprennent rien ou qui les exaspèrent. Le ton impérieux rappelle celui d'un officier militaire sermonnant ses subordonnés. On peut légitimement se demander si cette approche brusque est la plus appropriée pour transmettre un message spirituel. Car, en vérité, la parole de Dieu appelle à la douceur, à l’humilité et à l’amour. Or, dans ces sermons bruyants, la bienveillance semble parfois céder la place à l’autoritarisme.
Pire encore, certains prédicateurs se permettent de juger sévèrement leurs fidèles, comme s'ils étaient eux-mêmes des êtres irréprochables, au-dessus de toute critique. Ils condamnent, dénoncent, et pointent du doigt les péchés des autres avec une telle véhémence que l'on en vient à se demander si eux-mêmes se voient comme des saints sans tache. Mais, comme le dit l'Évangile, « que celui qui est sans péché jette la première pierre ». Comment alors recevoir un message empreint de jugement, quand celui qui le prononce semble ignorer cette sagesse biblique ?
Malheureusement, lorsqu'un prédicateur pose un des gestes peu courtois, ses collègues n'osent pas le lui dire. Au lieu de corriger cette attitude, ils restent silencieux, comme si cela n'avait aucune importance. Pire encore, après un certain temps, on voit d'autres prédicateurs qui imitent ce comportement, sans se rendre compte de l'image qu'ils projettent.
Ce silence complice souligne un problème plus profond : si les autorités morales, celles qui sont censées guider et éduquer, ne connaissent même pas les règles les plus simples de bienséance, comment peuvent-elles prétendre corriger la société ou être des exemples de moralité ? En réalité, c'est un signe de la dégradation de certaines valeurs dans les lieux mêmes où elles devraient être défendues.
C’est ainsi qu’on finit par entendre des propos ahurissants, indignes de ceux qui prétendent parler au nom de Dieu. Ces paroles, souvent empreintes de jugement et de condamnation, trahissent le véritable sens du message divin, qui doit être transmis avec respect, humilité et amour. Mais quand les gestes de base et les paroles manquent de décence, comment espérer que la société suive le bon exemple ? Il devient alors urgent que ceux qui sont en position d’autorité spirituelle se remettent en question et retrouvent le chemin de la bienséance et du respect.
Nous avons tous appris dès notre plus jeune âge diverses règles de politesse, parmi lesquelles celle de ne pas s’adresser à un public ou à une personne d’autorité les mains dans les poches. Cette posture est perçue comme un manque de respect et de considération. Le public, dans toute situation, est souverain. Même les présidents de pays, investis de la plus haute autorité, n’osent pas adopter une telle attitude. Que ce soit lors de discours publics ou dans des réunions officielles, ni le pape, ni les représentants des grandes confessions religieuses, ni ceux des autres grandes églises chrétiennes n’ont jamais manqué à cette règle de bienséance. Alors, pourquoi ces petites sectes, souvent considérées comme marginales, doivent-elles faire exception à cette norme de respect ?
De plus, l’utilisation d’un ton autoritaire, presque agressif, comme si on « gueulait » sur les fidèles, est encore plus problématique. Le respect ne s’exprime pas seulement par la forme, mais aussi par le fond. Parler avec douceur et humilité fait partie des préceptes du respect, surtout dans un cadre religieux. Est-ce ainsi que l’on manifeste l’amour, la bienveillance et le respect envers ses fidèles ? Une telle attitude de domination, où l’on tonne sur ceux que l’on est censé guider spirituellement, trahit le véritable message de la foi.
Les fidèles, en tant que public souverain, méritent d’être traités avec considération, tout comme le message divin doit être transmis avec dignité. Il est donc essentiel que ceux qui prêchent prennent conscience de l’impact de leurs gestes et de leur ton. Car le respect, comme la foi, commence par les actes.
Il est temps de se demander si ces nouvelles habitudes, tant dans la forme que dans le fond, dans le ton que dans les gestes, ne nuisent pas à la profondeur du message spirituel. Une parole qui s'accompagne de respect et d'humilité a bien plus de chances de toucher les cœurs que celle délivrée avec un ton autoritaire et des gestes désinvoltes. La prédication, au-delà de son contenu, doit refléter un modèle de bienveillance et de considération, tant pour l’espace sacré que pour ceux qui écoutent.
En conclusion, cette attitude, marquée par des gestes désinvoltes, un ton autoritaire et sarcastique un jugement hâtif et anathématique, pose question. Quel exemple donnent ces prédicateurs à leurs fidèles ? Que retiendront-ils de ces prêches ? Le fond du message semble être éclipsé par la forme : une forme qui manque parfois de respect, de bienveillance et de décence. Il est essentiel de revenir aux bases : une parole transmise avec humilité et amour a bien plus de chance de toucher les cœurs que des sermons tonitruants où les gestes et les paroles trahissent un manque de considération.
19 octobre 2024
Paul Kabudogo Rugaba
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