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Charles Onana Condamné : Une Victoire Symbolique Contre le Révisionnisme et un Appel à la Justice pour les Tutsi du Congo

Paul KABUDOGO RUGABA

Le 9 décembre dernier, Charles Onana, auteur franco-camerounais, a été reconnu coupable de « complicité de contestation publique de l’existence d’un crime contre l’humanité », en l’occurrence le génocide des Tutsi de 1994. Cette condamnation marque un tournant dans la lutte contre les discours révisionnistes, mais soulève également des interrogations sur l'impact de ses publications dans les régions déjà fragilisées par des conflits ethniques.

Marié à une femme rwandaise hutu, il est probable que Charles Onana ait été influencé par des perspectives personnelles pour adopter ses positions controversées. Fait notable : ni son pays d’origine, le Cameroun, ni son parcours ne le relient directement au Rwanda, un pays qu’il n’a jamais visité ni véritablement étudié en profondeur. Cette distance géographique et culturelle n’a pas empêché l’auteur de produire des récits qui minimisent ou contestent des faits établis par l’Histoire, tout en alimentant des tensions déjà explosives dans la région des Grands Lacs.


Une sanction dérisoire face aux dégâts

La sanction prononcée contre Onana, une amende de 8 400 euros, semble insignifiante au regard des répercussions de ses écrits. Ses ouvrages, fondés sur des arguments fallacieux et des théories complotistes, sont devenus des outils prisés par certains acteurs politiques en République démocratique du Congo (RDC). Des leaders tels que Martin Fayulu, Justin Bitakwira etc.,   et indirectement Félix Tshisekedi, en quête de boucs émissaires pour justifier les crises internes du pays, ont accueilli et valorisé les thèses d’Onana. Son discours, qui accuse sans fondement les Banyamulenge et les Tutsi du Nord-Kivu d’être responsables des malheurs congolais, sert à légitimer des violences et des discriminations systématiques à leur encontre.

Les élucubrations de Charles Onana ne se limitent pas à un débat intellectuel stérile ; elles alimentent un terreau fertile pour la haine et le génocide. En RDC, ses théories sont largement utilisées pour justifier la persécution des Banyamulenge et des Tutsi congolais, qui continuent de subir des violences orchestrées par des groupes armés et des leaders politiques. En soutenant une idéologie négationniste, l’auteur contribue indirectement à perpétuer des actes de génocide, notamment contre les Tutsi congolais, une réalité que la communauté internationale peine encore à reconnaître pleinement.


Un soutien inquiétant des génocidaires

Malgré sa condamnation, Charles Onana bénéficie d’un soutien massif de la part des adeptes de l’idéologie génocidaire. Une collecte de fonds a été organisée pour l’aider à payer son amende et poursuivre ses activités. Par ailleurs, ses partisans s’activent pour acheter en masse ses ouvrages virulents et les conserver, anticipant une potentielle interdiction de ces publications dans un futur proche. Cette mobilisation démontre non seulement l’ampleur de la diffusion de ses idées, mais aussi la persistance des réseaux qui propagent un discours haineux et révisionniste.

La somme infligée à Charles Onana ne compense en rien les souffrances des victimes du génocide des Tutsi, ni celles des communautés toujours ciblées par ces discours. La modicité de cette peine montre une faiblesse judiciaire face à des individus qui exploitent la désinformation pour aggraver des conflits. Une sanction plus sévère, couplée à une interdiction explicite de ses publications, aurait été nécessaire pour décourager d'autres complices de la propagation de l’idéologie génocidaire.


Une Victoire Symbolique Contre le Révisionnisme

La condamnation de Charles Onana par la 17ᵉ chambre correctionnelle du tribunal de Paris, bien que modeste en termes de sanction, constitue une victoire symbolique majeure dans la lutte contre le négationnisme du génocide des Tutsi au Rwanda. Cette décision pourrait dissuader d'autres auteurs ayant des penchants révisionnistes de s'aventurer dans la falsification historique, en particulier sur des sujets aussi sensibles que le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Comme l’a souligné Marcel Kabanda, historien et ancien président d’Ibuka France :

Cette déclaration rappelle que le révisionnisme ne se limite pas à contester les faits avérés, mais s’attaque également à leurs causes profondes et à leur préparation. Kabanda insiste également sur la fragilité des mécanismes de vigilance collective en France, qui permettent encore la diffusion de récits falsifiés. Cela met en lumière la nécessité d’un renforcement des outils judiciaires et éducatifs pour contrer ces idéologies.

Ses propos résonnent particulièrement fort dans un contexte où la mémoire du génocide reste attaquée par des individus et des réseaux cherchant à minimiser l’ampleur de cette tragédie ou à en détourner la portée pour des intérêts politiques.


Un silence inquiétant pour les Tutsi du Congo

Cependant, cette décision judiciaire, si importante soit-elle, laisse un goût amer pour les Tutsi du Congo, notamment les Banyamulenge et les Tutsi du Nord-Kivu, qui subissent encore une oppression systématique. Ils n'ont pas pu saisir cette occasion pour faire entendre leur voix face aux accusations incendiaires de Charles Onana, en particulier celles contenues dans son livre Holocauste au Congo : l'omerta de la communauté internationale : la France complice ?.

Dans cet ouvrage, l’auteur exploite des narratifs simplistes et complotistes pour accuser ces communautés de tous les maux du Congo, alimentant ainsi une haine ethnocentrique déjà très enracinée. Ces écrits servent de carburant pour les discours politiques et médiatiques qui légitiment les persécutions et les massacres en cours dans la région des Grands Lacs.

Une lutte qui reste à mener

La condamnation de Charles Onana, bien qu’essentielle, ne compense pas les dégâts causés par ses publications. Pour les Tutsi du Congo, cette lutte contre le révisionnisme et la manipulation historique reste difficile à mener, compte tenu du contexte d’oppression et de marginalisation qu’ils subissent. Pourtant, cette décision judiciaire ouvre une porte : elle montre que la vérité peut triompher et que la mémoire des victimes doit être protégée, où qu’elles se trouvent.

Il est désormais crucial que les communautés touchées, comme les Banyamulenge, trouvent des moyens de dénoncer ces discours incendiaires et de faire valoir leur vérité face à l’idéologie négationniste qui continue de peser lourdement sur leurs existences. La condamnation de Charles Onana n’est qu’une étape, mais elle prouve que le combat pour la justice et la mémoire est loin d’être perdu.

En définitive, la condamnation de Charles Onana est un signal positif, mais insuffisant. Elle appelle à une vigilance accrue et à des actions plus fermes pour contrer les discours révisionnistes qui continuent de nourrir la haine et les massacres dans les Grands Lacs. Les victimes, passées et présentes, méritent justice et vérité face à ceux qui, comme Onana, tentent de travestir l’Histoire pour des intérêts personnels ou idéologiques.


Le 15 decembre 2024

Paul Kabudogo Rugaba



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