La construction historique et politique de la marginalisation des Banyamulenge en République démocratique du Congo
- Paul KABUDOGO RUGABA
- il y a 3 jours
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La construction historique et politique de la marginalisation des Banyamulenge en République démocratique du Congo
Résumé

L’histoire contemporaine de la République démocratique du Congo (RDC) est marquée par une conflictualité persistante dans sa partie orientale, dont l’une des dimensions les plus sensibles concerne la situation des Banyamulenge. Loin d’être le produit d’antagonismes spontanés, cette question s’inscrit dans un long processus historique de marginalisation, de stigmatisation et de politisation identitaire. Cet article analyse l’évolution de cette problématique depuis la période coloniale jusqu’à l’époque contemporaine, en mettant en lumière les mécanismes institutionnels, discursifs et géopolitiques ayant contribué à la construction d’une exclusion durable.
1. Origines coloniales de la marginalisation (années 1930–1960)
La genèse de la question banyamulenge remonte à la période coloniale, plus précisément aux années 1930, lorsque l’administration belge entreprit une réorganisation foncière et administrative des territoires du Sud-Kivu. Dans ce cadre, les terres traditionnellement occupées par les Banyamulenge furent progressivement spoliées, tandis que les parcelles restantes furent placées sous la tutelle d’autres communautés locales, principalement les Bembe et les Fuliro.
Cette politique s’appuyait sur une perception erronée des Banyamulenge, considérés comme une population « réfractaire » à l’autorité coloniale. Leur influence supposée sur les autres communautés était interprétée comme un potentiel facteur de rébellion contre la colonisation. Dans ce contexte, la stratégie coloniale consistait à appliquer le principe du « diviser pour mieux régner », en présentant les Banyamulenge comme des immigrants et en les isolant socialement et politiquement.
Les administrateurs coloniaux, notamment Loons et Bragard, qui se succédèrent à la tête du territoire d’Uvira, jouèrent un rôle déterminant dans la consolidation de cette vision. Leur action contribua à institutionnaliser l’exclusion des Banyamulenge, posant ainsi les bases d’une marginalisation structurelle appelée à se prolonger bien au-delà de l’époque coloniale.
2. L’après-indépendance et la radicalisation du conflit (1960–1969)
À l’indépendance, l’État congolais hérita d’un héritage institutionnel profondément inégalitaire. Plutôt que de corriger les injustices léguées par le régime colonial, les nouveaux dirigeants reproduisirent, et dans certains cas accentuèrent, les logiques d’exclusion préexistantes.
La rébellion Simba, dirigée notamment par Pierre Mulele, constitua un moment décisif dans la marginalisation des Banyamulenge. Cette population fut ciblée de manière systématique et contrainte de quitter ses terres entre 1965 et 1969. Le déplacement massif des Hauts Plateaux vers la plaine de la Ruzizi exposa les Banyamulenge à des conditions de vie extrêmement précaires, où la malaria et d’autres maladies infectieuses provoquèrent de nombreuses pertes humaines.
Malgré ces épreuves, les Banyamulenge parvinrent à se réinstaller sur les Hauts Plateaux après une série d’affrontements armés, en grande partie menés par leurs propres forces d’autodéfense. Ces combats permirent la reconquête de leurs territoires traditionnels et posèrent les bases d’une résistance communautaire qui structurerait durablement leur identité et leur positionnement sociopolitique dans la région.
3. Le régime Mobutu : entre reconnaissance ambiguë et marginalisation persistante
Sous la présidence de Mobutu Sese Seko, la situation des Banyamulenge connut une phase de stabilisation relative. Leur engagement aux côtés du régime dans la lutte contre certaines rébellions armées leur valut, durant un temps, une reconnaissance politique tacite. Toutefois, cette reconnaissance demeura fragile, conditionnelle et étroitement liée aux équilibres de pouvoir du moment.
À partir des années 1980, cette dynamique évolua sensiblement sous l’effet de plusieurs facteurs convergents. D’une part, l’influence croissante de réseaux politiques régionaux, notamment ceux liés au régime du président rwandais Juvénal Habyarimana, modifia les rapports de force dans l’Est du pays. La création et l’implantation en République du Zaïre de structures telles que la Mutuelle des agriculteurs de la région des Virunga (MAGRIVI), présentée comme une organisation socio-économique mais largement perçue comme une extension du parti unique rwandais (MRND), participèrent à la politisation et à l’ethnicisation des enjeux fonciers et identitaires.
Dans ce contexte, la Conférence nationale souveraine (1991–1992) constitua un tournant décisif. Placée sous la présidence de Monseigneur Laurent Monsengwo Pasinya, elle devint un espace où s’exprimèrent ouvertement des discours de stigmatisation à l’encontre des Tutsi congolais. Des représentants banyamulenge et des Tutsi du Nord-Kivu furent publiquement pris à partie et marginalisés. Un lexique profondément déshumanisant— les qualifiant notamment « d’envahisseurs », « d’étrangers », de « serpents », « d’usurpateurs de nationalité » ou encore de Zaïrois déguisés — jusque-là timide et utilisé par quelque individus sans notoriété, s’imposa progressivement dans le débat politique.
Cette rhétorique contribua à institutionnaliser une représentation de l’altérité fondée sur l’exclusion, préparant ainsi le terrain idéologique aux violences ultérieures. L’espace politique congolais devint alors le lieu d’une redéfinition restrictive de la citoyenneté, où l’appartenance nationale cessait d’être un droit juridique pour devenir un attribut conditionnel, soumis à des critères ethno-politiques fluctuants.
4. Institutionnalisation de l’exclusion et radicalisation du discours (1990–2000)
À la suite du décès du cardinal Joseph-Albert Malula, Laurent Monsengwo Pasinya fut désigné pour lui succéder. La Conférence nationale souveraine poursuivit alors ses travaux sous la présidence d’Anzuluni Bembe Isilonyonyi, alors président du Parlement. Sous cette nouvelle direction, plusieurs orientations politiques et constitutionnelles furent adoptées, contribuant à restreindre progressivement la citoyenneté de certaines catégories de la population, en particulier celle des Tutsi congolais.
C’est dans ce contexte qu’intervint la création de la commission dite Vangu Mambweni, chargée d’examiner ce qui fut qualifié de « question tutsie ». Les travaux de cette commission marquèrent un tournant décisif dans l’institutionnalisation de l’exclusion. Son rapport, rédigé à Gisenyi, au Rwanda, en 1993 — en pleine guerre menée par le Front patriotique rwandais — fut rendu public en août 1994, immédiatement après le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda.
Ce document entérinait l’idée selon laquelle les Tutsi du Congo constituaient une population étrangère appelée à être « rapatriée », légitimant ainsi leur mise à l’écart du corps politique national. En consacrant juridiquement une distinction fondée sur l’origine supposée, ce rapport ouvrit la voie à des politiques d’exclusion systématique et à des violences de grande ampleur, dont les effets se feront durablement sentir dans l’Est de la République démocratique du Congo depuis 1996 jusqu’à présent.
5. De la guerre de 1996 à l’ère post-Kabila : continuités et radicalisation
La radicalisation politique et l’entrée dans la violence ouverte (1995–1998)
L’année 1996 constitue un tournant décisif dans la trajectoire de la violence dirigée contre les Banyamulenge. Les événements qui s’y déroulent traduisent le passage d’une marginalisation institutionnelle à une politique d’exclusion ouverte, portée par des autorités administratives et politiques de premier plan.
Dès le 26 octobre 1995, l’administrateur du territoire d’Uvira, Shweka Mutabazi, prend une mesure lourde de conséquences en ordonnant l’expulsion des Banyamulenge, qualifiés dans une correspondance officielle de « groupe ethnique inconnu du Zaïre » et de « migrants étrangers ». Il enjoint les autorités locales de procéder à l’inventaire exhaustif des biens fonciers leur appartenant, d’interrompre toute construction en cours et d’identifier systématiquement les habitations occupées par cette population. Cette décision administrative constitue l’un des premiers actes formels d’une politique d’exclusion fondée sur l’ethnicisation de la citoyenneté.
Dans la continuité de cette logique, le gouverneur du Sud-Kivu, Kyembwa wa Lumona, se rend en juillet 1996 à Mibunda-Tulambo, où il présente Léonard Nyangoma — chef rebelle burundais — comme représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Cette initiative, largement perçue comme une instrumentalisation humanitaire, visait à préparer le regroupement forcé des Banyamulenge dans des sites présentés comme des centres d’accueil, mais assimilables dans les faits à des lieux de confinement collectif, prélude à des violences de grande ampleur.
La radicalisation atteint son paroxysme le 7 octobre 1996, lorsque le vice-gouverneur du Sud-Kivu, Lwabanji Lwasi Ngabo, s’exprime publiquement devant la presse nationale et internationale réunie à Bukavu. Dans cette déclaration restée tristement célèbre, il intime aux Banyamulenge de quitter le territoire de la République du Zaïre dans un délai de six jours, les menaçant explicitement d’être « effacés de la carte » s’ils ne s’exécutent pas. Cette prise de position, d’une rare gravité, marque une rupture décisive dans le discours officiel de l’État et constitue un appel explicite à l’expulsion collective, voire à l’extermination.
L’accession au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, dans ce contexte de violence généralisée, ne mit pas un terme à cette dynamique. Bien au contraire, certains membres de son gouvernement reprirent et amplifièrent cette rhétorique. En 1998, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Yerodia Ndombasi multiplia les déclarations incitant à la haine, qualifiant publiquement les Tutsi — y compris les Banyamulenge — de « microbes » et de « vermine », appelant la population à les « écraser » et à les éliminer physiquement. Ces propos contribuèrent directement à des massacres de grande ampleur, notamment lors du déclenchement de la deuxième guerre du Congo, au cours de laquelle des milliers de civils et militaires loyaux (environs 3000) furent tués en raison de leur appartenance supposée à cette communauté.
Sous la présidence de Joseph Kabila, cette dynamique ne fut pas inversée. Les milices Maï-Maï, particulièrement actives dans les territoires de Fizi et de Mwenga, consolidèrent leur implantation. Certaines, à l’instar du groupe dirigé par Yakutumba, adoptèrent un discours explicitement exterminateur à l’encontre des Banyamulenge, inscrivant durablement la violence dans le paysage politique et sécuritaire de l’Est de la République démocratique du Congo.
6. La période contemporaine : internationalisation du conflit et banalisation de la violence
L’internationalisation du conflit et la normalisation du discours de haine sous la présidence de Félix Tshisekedi
L’accession de Félix Antoine Tshisekedi à la présidence de la République démocratique du Congo n’a pas constitué une rupture structurelle dans la gestion du conflit à l’Est du pays. Au contraire, cette période a été marquée par une intensification et une internationalisation des dynamiques de violence, désormais justifiées par une rhétorique présentant la crise comme tantôt une réaction légitime à une prétendue « hégémonie tutsie », tantôt un conflit foncier entre communautés (les agriculteurs contre les éleveurs), tantôt comme un refus a la balkanisation et l’annexion d’une partie de la RDC par le Rwanda.
Ce cadrage discursif a facilité l’implication directe ou indirecte de plusieurs États de la région — notamment le Burundi, la Tanzanie, l’Afrique du Sud et le Malawi — dans les dynamiques sécuritaires à l’Est de la RDC. Sous couvert de coopération régionale ou de stabilisation, ces engagements ont contribué à renforcer un climat de confrontation durable, au sein duquel les populations tutsies congolaises sont perçues à tort comme ennemies.
Parallèlement, des responsables politiques congolais ainsi que certaines figures publiques ont participé à la normalisation d’un discours explicitement hostile à l’égard des Tutsi. Cette rhétorique, fondée sur l’essentialisation et la déshumanisation, a progressivement acquis une légitimité dans l’espace public. L’absence de poursuites judiciaires effectives à l’encontre de ses promoteurs a renforcé un sentiment d’impunité généralisée, affaiblissant davantage l’État de droit.
Un épisode emblématique de cette dérive est constitué par les déclarations publiques du député national Justin Bitakwira Bihonahai. En juillet 2023, sur le plateau de la chaîne Bosolo Na Politique, il a affirmé que « le Tutsi est un criminel né », propos qu’il a réitérés durant la campagne électorale de la même année, y compris dans des lieux de culte, notamment au sein de la 8ᵉ Communauté des Églises de Pentecôte de l’Afrique Centrale (CEPAC) à Kasenga, dans le Sud-Kivu. Ces déclarations, largement diffusées, s’inscrivent dans un registre de haine ethnique incompatible avec les principes fondamentaux du droit international des droits humains.
Plus largement, des individus comme Jean-Claude Mubenga, connus pour la diffusion de discours appelant à la violence contre les Tutsi — les assimilant à des « cafards », des « virus » ou des « parasites » — ont bénéficié d’une visibilité et parfois d’une reconnaissance officielles. Leur proximité avec des responsables étatiques, y compris au plus haut niveau de l’État, soulève de sérieuses interrogations quant à la responsabilité internationale de la République démocratique du Congo. En vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, l’incitation directe et publique à commettre le génocide constitue un crime autonome, engageant la responsabilité pénale non seulement des auteurs directs, mais également des autorités qui tolèrent, facilitent ou n’empêchent pas de tels actes.
Ainsi, loin d’être de simples dérives discursives, ces prises de position s’inscrivent dans un continuum historique de déshumanisation, contribuant à la banalisation de la violence et à la perpétuation d’un climat propice aux crimes de masse. L’absence de réaction institutionnelle ferme renforce la perception d’une défaillance systémique de l’État de droit et d’un effacement progressif des normes internationales censées protéger les populations civiles.
Internationalisation du conflit et instrumentalisation géopolitique
Dans la phase la plus récente du conflit, la dimension régionale et internationale s’est considérablement renforcée. La France et la Belgique ont joué un rôle central dans la construction d’un consensus diplomatique européen hostile au Rwanda, présenté à tort comme le principal responsable de l’instabilité persistante dans l’Est de la République démocratique du Congo. Cette position s’est appuyée sur l’accusation récurrente selon laquelle Kigali soutiendrait les mouvements rebelles, notamment l’Alliance Fleuve Congo–Mouvement du 23 mars (AFC–M23), perçus comme une menace à la souveraineté congolaise.
Toutefois, cette lecture géopolitique tend à occulter des dynamiques plus profondes. Le Rwanda apparaît également comme la cible d’une hostilité structurelle liée à son histoire récente, notamment au fait qu’il soit dirigé par un pouvoir issu de la victoire militaire ayant mis fin au génocide des Tutsi de 1994 — un événement dans lequel certaines puissances occidentales portent une responsabilité historique largement documentée. Dans ce contexte, la rationalité politique cède souvent la place à une logique de stigmatisation, dans laquelle le droit international et les principes fondateurs des Nations unies sont instrumentalisés ou ignorés selon des intérêts géopolitiques fluctuants.
Cette dérive se manifeste concrètement sur le terrain par l’intensification des opérations militaires dans les Hauts Plateaux du Sud-Kivu. Les bombardements aériens, notamment par des avions de type Sukhoï et l’usage accru de drones, affectent de manière disproportionnée les populations civiles banyamulenge. Parallèlement, une coalition hétérogène composée de forces armées congolaises, de contingents étrangers — notamment burundais et tanzaniens — ainsi que de groupes armés tels que les FDLR et les milices dites Wazalendo, mène des opérations coordonnées visant à neutraliser, voire à déraciner, la présence banyamulenge dans la région.
Cette mobilisation militaire s’opère en contradiction flagrante avec les engagements diplomatiques pris dans le cadre des processus de dialogue régionaux, notamment ceux initiés à Nairobi et à Doha. Elle illustre l’effritement du cadre normatif international et l’érosion du principe de protection des populations civiles. Dans ce contexte, la communauté banyamulenge se trouve confrontée à une violence systémique largement ignorée par la communauté internationale, révélant ainsi une crise profonde du multilatéralisme et du respect du droit international humanitaire.
Persistance de la répression et marginalisation politique des Banyamulenge
À l’heure actuelle, certains acteurs politiques congolais, tels que Martin Fayulu, construisent encore une partie de leurs programmes électoraux sur l’exclusion et la non-reconnaissance des Banyamulenge comme citoyens à part entière. Ces discours et initiatives circulent largement, tant sur le plan national qu’international, sans susciter de sanctions ou de remise en cause institutionnelle.
Parallèlement, les militaires banyamulenge restés fidèles au gouvernement font systématiquement l’objet d’arrestations arbitraires. Ces détentions s’accompagnent parfois de disparitions forcées, touchant également des civils, et dont la destination reste inconnue. On estime à environ mille personnes — civils et militaires confondus — actuellement incarcérées dans des conditions opaques derrière les murs des prisons de Kinshasa.
Le collectif d’avocats dirigé par Bernard Maingen tente de défendre ces détenus et de faire respecter leurs droits, mais ses interventions restent largement inefficaces face à l’ampleur de la répression, donnant l’impression d’un « cri dans le désert ». Par ailleurs, des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits humains, comme Ludovic Kalengayi, sont également emprisonnés, notamment à la Direction de la surveillance du territoire et des enquêtes administratives (DMIAP), et ce, depuis plus d’une année.
Cette situation souligne la persistance d’une répression ciblée contre la communauté banyamulenge et les Tutsi congolais, où la marginalisation politique s’accompagne d’une violation systématique des droits humains et de l’État de droit.
La responsabilité et l’inaction de la communauté internationale
La question banyamulenge ne constitue ni un phénomène récent ni un problème méconnu de la communauté internationale. Depuis plusieurs décennies, les mécanismes onusiens, les organisations humanitaires internationales et les grandes puissances disposent d’informations abondantes sur la persécution systématique dont cette communauté est victime. Pourtant, force est de constater que les réponses apportées demeurent largement insuffisantes, voire inexistantes.
Les Banyamulenge, dispersés aujourd’hui dans plusieurs pays — notamment au Rwanda, au Burundi, au Kenya, en Éthiopie et au-delà — vivent majoritairement dans des conditions de grande précarité. Nombre d’entre eux résident dans des camps de réfugiés depuis des années, parfois des décennies, sans perspectives durables de retour, de réinstallation ou d’intégration. Malgré la présence prolongée de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), aucune stratégie efficace n’a été mise en œuvre pour assurer leur protection ou prévenir les violences ciblées dont ils sont victimes.
Depuis plus d’une décennie, la communauté banyamulenge subit une forme d’embargo sécuritaire et humanitaire de facto. Les attaques armées menées par des forces étatiques et paraétatiques alliées se poursuivent dans une quasi-impunité, tandis que l’accès humanitaire demeure fortement restreint. Les civils, pris au piège des violences, sont privés de protection, de soins et d’assistance, sans que les mécanismes internationaux de protection des civils ne produisent d’effets tangibles.
Plus préoccupant encore, les Banyamulenge réfugiés à l’étranger se heurtent à de graves obstacles administratifs : gel ou rejet systématique des procédures de réinstallation, lenteur extrême du traitement des demandes d’asile, absence de solutions durables. Cette situation soulève une interrogation fondamentale quant à l’universalité des principes humanitaires et à l’égalité de traitement entre les victimes de conflits armés.
Dès lors, une question s’impose avec acuité : les Tutsi congolais — et plus largement les Banyamulenge — sont-ils considérés comme des sujets de droit à part entière au regard du droit international humanitaire et des conventions relatives aux droits de l’homme ? L’indifférence persistante de la communauté internationale face à leur sort semble indiquer une hiérarchisation implicite des souffrances humaines, où certaines vies paraissent compter moins que d’autres.
Conclusion
L’histoire contemporaine des Banyamulenge révèle un processus long et structuré de marginalisation, fondé sur la politisation de l’identité et la manipulation des appartenances ethniques. De la période coloniale à l’époque contemporaine, les mécanismes d’exclusion se sont reproduits sous des formes renouvelées, mais toujours soutenues par des appareils étatiques et des logiques géopolitiques.
Cette trajectoire met en lumière l’échec des cadres juridiques nationaux et internationaux à prévenir la violence et à protéger les populations ciblées. Elle invite à une relecture critique des récits dominants sur les conflits à l’Est de la République démocratique du Congo et à une réflexion approfondie sur les responsabilités historiques, politiques et morales engagées dans la perpétuation de ces violences.
Le 27 décembre 2025
Paul Kabudogo Rugaba




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