Le Burundi souffle le chaud et le froid et soutient les Wazalendo qui pourchassent les Banyamulenge
- Paul KABUDOGO RUGABA
- il y a 2 jours
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour
Depuis quelques semaines, la situation dans les Hauts-Plateaux du Sud-Kivu prend une tournure dramatique qui révèle une hypocrisie politique inquiétante : alors que Bujumbura feint la posture d'acteur régional responsable, ses forces — directement ou via des alliés — participent à des opérations qui étranglent, déplacent et mettent en danger la population banyamulenge. Les éléments factuels rassemblés ci-dessous montrent une mise en scène où la rhétorique contraste brutalement avec les actes sur le terrain.
Une alliance de destruction : FARDC, Wazalendo et armée burundaise

Les alliances militaires du Burundi avec des acteurs congolais ouvertement hostiles aux Banyamulenge trahissent une connivence avec un projet de destruction totale du groupe. Les faits documentés — encerclement, privation, déplacements forcés, blocus économiques — constituent les éléments matériels d’un crime international. La négation officielle et le silence des partenaires régionaux ne sauraient masquer cette réalité : le Burundi ne stabilise pas le Congo, il participe à la mise à mort d’une population ciblée.
Sur le terrain, les faits sont clairs. L’armée burundaise, agissant officiellement sous commandement de Gitega, a déployé d’importants contingents dans les Hauts-Plateaux, établissant des positions conjointes avec les FARDC et les milices Wazalendo. Ces dernières sont connues pour leurs exactions ciblées contre les civils banyamulenge : villages incendiés, bétail pillé, routes bloquées, marchés fermés, et ultimatum de déplacement forcé.
Le témoignage et les alertes relayées par des organisations locales évoquent une stratégie d’encerclement progressif des villages banyamulenge — avec renforcement de positions voir ci-bas la liste — et des ordres contraignant la population à quitter certains lieux (Mikenke, puis Minembwe). Selon ces rapports, l’objectif consiste à priver les civils de moyens de subsistance et à les contraindre à partir, ou pire — les exposer à la mort par la faim ou la maladie s’ils résistent. Ces descriptions correspondent à des pratiques qui s’apparentent à une punition collective et à une politique de déplacements forcés. SOS Médias Burundi+1
Les forces burundaises ont déployé entre 10 000 et 12 000 soldats dans l’Est de la RDC, répartis sur plus de 70 positions, couvrant l’ensemble des hauts-plateaux de Fizi, Mwenga et Uvira. Ce déploiement inclut des positions fixes dans des localités telles que Point Zéro, Kipupu, Rugezi, Mitamba, Marimba, Bijombo, ainsi que des zones montagneuses stratégiques.
1. AMuziba, quelques positions;
2. Au sommet de Muhe, plusieurs positions;
3. Au tour et au sommet du mont Kange, plusieurs positions;
4. Bijojwe, 1position;
5. Bijombo centre, 1 position;
6. Bilalombili, 1 position;
7. Cyakira munturusi, 1 position;
8. Firo, 1 position;
9. Gashengo, au marché ets e s environs, 2 positions;
10. Gasozo, 1 position;
11. Gatanga, 1 position;
12. Gitasha, 1 position;
13. Gitavi (Gashama), 1 position;
14. Gitembe, 2 positions, l'une à Kigunda, l'autre à Mahira;
15. Kabanju, 1 position; et
16. Kabara, 1position;
17. Kamombo centre, 1position;
18. Kangwe, 1 position;
19. Kanono, 1position;
20. Karumyo, 1 position;
21. Karunga, 1position;
22. Kigarama, 2 positions;
23. Kigazura, 1 position;
24. Kipupu, 1 position;
25. Kirumba, 1position;
26. Kiziba (Mugogo), 1position;
27. Kugashya, 1 position;
28. Kuwigitaka, 1position;
29. Magunda une grande base;
30. Maheta, 1 position;
31. Makaina, 1 position;
32. Marimba, 1position;
33. Masango, 1position;
34. Masoro, 1 position;
35. Mikarati, 3 positions;
36. Mitamba, 1position;
37. Mugeti, 1position;
38. Mugera, 1position
39. Mukumba, 1 position;
40. Mumazi, 1position;
41. Mumiyaga, 2 positions;
42. Mungezi,1 position;
43. Murambya centre, 1 position;
44. Mutenja, 1 position;
45. Nyabibuye, 1 position;
46. Nyamara 1position,
47. Nyamarogwe, 2 positions;
48. Nyankware, 1position;
49. Nyaruhinga, au sommet de la montagne
50. Nyundo, 2 positions;
51. Point-zéro, 1 position;
52. Rubarati, 1position;
53. Rudefu, 1position;
54. Rugezi, 1 position.
55. Rushogo, 1 position;
56. Ruvubu là où li y avait un marché de vendredi, 1position;
57. Rwitsankuku, 1 position;
58. Sur la chaine de Mukono, 2 positions
Une justification officielle truffée de contradictions
Le gouvernement burundais nie toute participation à des opérations ciblant les Banyamulenge. Il affirme que la présence de ses troupes en RDC découle d’accords bilatéraux de sécurité et de la lutte régionale contre RED-Tabara, un mouvement rebelle burundais accusé d’opérer depuis le sol congolais.
Mais cette version ne résiste pas à l’examen des faits :
Aucune activité du RED-Tabara n’a été observée dans les zones où les troupes burundaises sont déployées.
Les zones ciblées sont exclusivement banyamulenge, sans justification militaire plausible.
Des ultimatum explicites ont été adressés à la population de Mikenge et de Minembwe pour quitter leurs terres.
Les forces burundaises et leurs alliés FARDC–Wazalendo encerclent systématiquement les localités tutsi, pendant que les autres communautés sont épargnées.
L’hypocrisie dont il est question tient à ce contraste :D’un côté, des discours officiels (Bujumbura et parfois Kinshasa) justifient des interventions au nom de la sécurité régionale ou de la lutte contre des groupes armés. De l’autre, sur le terrain, les mêmes opérations coïncident avec des contrôles de population ciblés, des blocus visant un groupe ethnique précis (les Banyamulenge), des déplacements forcés et des interdictions d’accès aux marchés et soins — autant d’éléments qui, cumulés, constituent une forme de persécution collective.
Autrement dit : les moyens de « rétablir la sécurité » semblent, dans les faits, servir à exclure, dépouiller et potentiellement « nettoyer » des territoires d’une communauté donnée. Plusieurs organisations locales et observateurs qualifient ces pratiques de crimes contre l’humanité ou de tentative d’« ethno-nettoyage » ; au minimum, elles exigent une enquête internationale indépendante. SOS Médias Burundi
Cette réalité met à nu une instrumentalisation cynique des accords de coopération régionale. Derrière le discours de stabilisation se cache une politique d’exclusion ethnique, menée en coordination avec des milices génocidaires locales.
Responsabilité juridique du gouvernement burundais
L’armée burundaise agit sous un commandement étatique, ce qui engage directement la responsabilité du gouvernement de Bujumbura au regard du droit international. Même en l’absence d’un ordre explicite de détruire le groupe banyamulenge, la tolérance consciente, la coordination logistique et la connaissance évidente des conséquences de ces actions suffisent à établir une complicité dans un génocide ou, à tout le moins, dans des crimes contre l’humanité.
En droit international coutumier comme en jurisprudence des tribunaux pénaux (TPIR, CPI), la responsabilité de complicité est engagée dès lors qu’un État fournit un appui matériel ou logistique à des forces commettant des atrocités, en connaissance de cause. Le silence de Bujumbura face aux exactions de ses troupes et de leurs alliés ne peut être interprété que comme une approbation tacite.
Le double jeu du Burundi : un État pyromane déguisé en pompier
Le Burundi souffle le chaud et le froid : médiateur officiel dans certaines crises régionales, il devient acteur direct dans la persécution d’une minorité au Congo. Ce double jeu fragilise sa crédibilité diplomatique et révèle un agenda politique ethnique, prolongement du discours négationniste qui nie aux Tutsi congolais leur identité nationale.Les propos haineux relayés par certaines élites congolaises — assimilant les Banyamulenge à des « étrangers » — trouvent un écho complaisant dans les actions de l’armée burundaise, qui semble se faire l’instrument d’un projet d’éradication déguisé en mission de sécurité.
Sur un autre front — le gouvernement congolais de Kinshasa — des attaques aériennes (soukhóis, drones) frappent régulièrement des localités dans le Nord et le Sud-Kivu (Twangiza, Mpeti, Walikale, Nzibira, Minenembwe, Mikenge etc .), provoquant destructions d’infrastructures et dégâts collatéraux massifs. Le texte présenté fait explicitement le lien : la stratégie de Kinshasa (bombardements, destruction d’infrastructures) est, selon ses auteurs, complémentaire à la politique de terrain que mènerait Bujumbura via ses troupes et alliés. Ces avions qui bombardent décollent de Bujumbura . Des observateurs internationaux et ONG ont documenté l’usage de la force aérienne et ses conséquences humaines dans la région. Human Rights Watch+1
Une complicité qui ne peut plus être dissimulée
L’analyse juridique et factuelle présentée met en évidence des indices graves et concordants de complicité du Burundi dans les violences systématiques visant la communauté Banyamulenge. Les critères matériels (meurtres, privations, déplacements forcés), la dimension intentionnelle (ciblage ethnique) et la contribution étatique (appui militaire et logistique) réunissent les éléments permettant d’envisager une qualification de complicité dans un génocide, ou à tout le moins de crimes contre l’humanité
Génocide quid ?
Primo Levi affirmait que « le génocide, c’est la destruction de l’homme par l’homme… et du témoin par le bourreau ». Cette définition, profondément humaine et philosophique, nous rappelle que le génocide dépasse la simple évaluation chiffrée des pertes humaines : il s’agit avant tout d’une destruction systématique et intentionnelle de l’existence d’un groupe identifié. Pour comprendre pleinement ce phénomène, il est crucial de préciser les termes. À force d’attribuer le mot « génocide » à toute tragédie ou massacre, le concept se dilue et le véritable génocide finit par ne plus être reconnu.
Dans ce contexte, le rôle du journaliste ne se limite pas à informer. Il implique également la protection du sens des mots. Dans un pays où le vocabulaire de la tragédie est politisé et instrumentalisé, il devient impératif de rappeler que les mots ont un poids considérable. Le terme « génocide », en particulier, revêt une charge éthique, juridique et mémorielle considérable.
La communauté internationale a défini le génocide de manière précise le 9 décembre 1948, avec l’adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide par les Nations unies. Selon ce texte, le génocide consiste en « tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, une nationalité, une ethnie, une race ou une religion ». Ainsi, la gravité d’un génocide ne se mesure pas uniquement à l’ampleur des pertes humaines, mais à l’intention politique de détruire une communauté pour ce qu’elle est.
Dans le contexte congolais, des milliers de Congolais ont péri à l’Est du pays depuis plus de vingt ans. Les responsabilités sont multiples, les souffrances profondes et les crimes innombrables. Cependant, la reconnaissance de ces tragédies ne doit pas conduire à une utilisation abusive du concept de génocide. Parler de « génocide congolais » sans fondement juridique clair ou sans preuve d’intention ciblée affaiblit la mémoire des véritables génocides, tels que ceux de l’Arménie, de la Shoah ou du Rwanda. Paradoxalement, cela banalise le sens des mots et dilue leur puissance historique et mémorielle.
À titre de comparaison, la guerre des Six Jours a conduit à la condamnation de l’Ouganda par la Cour internationale de justice pour massacre, et non pour intention d’exterminer un peuple, une ethnie ou une religion. Néanmoins, malgré la réticence des gouvernements congolais et des acteurs ayant des intérêts dans les conflits de l’Est de la RDC à reconnaître publiquement cette réalité, les persécutions subies par les communautés tutsi, et particulièrement par les Banyamulenge, répondent aux critères définissant le génocide. Les actes perpétrés contre eux témoignent d’une intention manifeste de détruire une communauté identifiée en raison de son appartenance ethnique et culturelle.
La logique infernale des guerres économiques et territoriales ne doit pas masquer la réalité : un véritable génocide se déroule dans l’Est de la RDC, souvent dissimulé derrière les conflits armés ordinaires. Protéger le mot « génocide », c’est faire de la vérité un acte de respect. Avoir le courage de le dénoncer constitue également un acte de bravoure. La communauté internationale, et notamment les Nations unies, ont jusqu’ici échoué à remplir pleinement leur mission de prévention et de protection des populations civiles.
Le mot « génocide » n’appartient ni aux gouvernements, ni aux slogans politiques. Il appartient à l’histoire et à la mémoire des victimes. Dans un monde où chaque discours se veut historique et médiatisé, il est essentiel de rester vigilant. Les extrapolations et les exagérations, souvent utilisées pour susciter la sympathie ou la compassion, contribuent à brouiller la compréhension des événements réels et à diluer la portée du concept.
En conclusion, reconnaître le génocide des Banyamulenge exige rigueur, courage intellectuel et éthique. Il ne s’agit pas seulement de nommer les crimes, mais de préserver l’intégrité des mots et de la mémoire, afin que l’histoire demeure un outil de vérité et de justice.
Le 26 oct. 2025
Paul Kabudogo Rugaba




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