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Les violences cycliques contre la Communauté Banyamulenge, Une responsabilité de L’État Congolais

Dernière mise à jour : 19 nov. 2020

Que de l’hypocrisie et du cynisme des régimes successifs !


Les gouvernements congolais qui se sont succédé depuis l’indépendance du Pays acquise en juin 1960 n’ont pu jeter les bases d’un système de gouvernance à même de consolider la paix et la cohabitation pacifique entre les différentes communautés du Sud- Kivu, socle d’un développement durable.

Les massacres à caractère ethnique qui ont endeuillés la communauté Banyamulenge au cours de cinquante dernières années à intervalle quasi régulier, sont l’œuvre des milices Mai Mai et des forces armées gouvernementales agissant ensemble ou séparément selon les contextes. La campagne de massacres contre la communauté Banyamulenge à travers le temps porte les signes d’un nettoyage ethnique. L’Etat congolais en porte la responsabilité en tant qu’acteur ou complice.

Pour les instigateurs des massacres, les Banyamulenge est une communauté à chasser du Congo au motif qu’elle serait d’origine étrangère en l’occurrence du Rwanda et qu’à ce titre, elle ne devrait pas faire partie des tribus qui peuplent le Congo, faisant fi de leur passé et de la loi sur la citoyenneté congolaise. Plus étonnant encore, parmi les instigateurs l’on dénombre des hommes politiques et cadres de la société civile savent comment la tracée des frontières consécutives aux résolutions de la conférence de Berlin de 1885 s’est opérée. A longueur de journée, dans l’ombre et parfois au grand jour, ils incitent les populations locales du Sud – Kivu à tuer les Banyamulenge.

L’objectif de notre réflexion n’étant pas de traiter de la nationalité congolaise du Peuple Banyamulenge, nous indiquons au passage deux ouvrages riches en informations pouvant éclairer ceux du moins disposés à connaitre l’histoire de ce peuple dont la présence au Congo remonte au XVIIIe siècle, bien avant l’arrivée des européens. Ne perdons pas de vue cependant que pour une partie de nos compatriotes, les Banyamulenge auront du mal à faire légitimer leur appartenance à la nation congolaise du fait d’avoir un faciès et des traits caractéristiques physiques Tutsi . Ci- dessous, les deux livres évoqués plus haut : G. Weis, Le Payas D’Uvira et celui de J. Hiernaux, Note sur les Tutsi de l Itombwe.

Un épisode des massacres


Les tueries contre la population civile Banyamulenge ces derniers temps ont atteint leur paroxysme. Sous la machine de guerre Mai-mai et groupes armés coalisés, chaque jour qui passe apporte son lot de victimes, de destruction et de pillages des biens, sous l’œil complice ou avec la participation des forces armées gouvernementales dans l’indifférence de la communauté internationale. Les médias traditionnels aussi bien nationaux qu’internationaux, semblent à leur tour semblent avoir tourné le dos, laissant le champ libre aux médias de la haine dont se servent les instigateurs des massacres pour non seulement désinformer le public mais aussi grossir leurs rangs dans le but de pérenniser leur idéologie qui vise à exterminer les Banyamulenge du Congo.

Dans ce contexte, pourtant inquiétant, très peu d’informations sont diffusées sur la crise humanitaire qui secoue les plateaux de Fizi, Uvira et Mwenga, suite aux attaques récurrentes que mènent cette coalition des forces négatives sur la population civile Banyamulenge. Il est à craindre que, dans les prochains jours, l’augmentation des violences et les déplacements des populations mènent à une catastrophe humanitaire de grande ampleur.

Les conséquences de ces tueries et razzia dont les Banyamulenge sont victimes depuis près de trois ans ont des impacts néfastes aussi bien au plan sécuritaire, économique que social. Rien que pour l’année 2019 qui s’achève d’ici peu, des sources concordantes font état de 300 personnes tuées, de 200 villages incendiés et quelques 45000 vaches emportées dans la localité de Minembwe et ses environs.

L’année 2019 a été particulièrement meurtrière pour la communauté Banyamulenge. Elle rappelle la situation sécuritaire qui a prévalu dans les années 1960 et 1990. A ses débuts, en ces temps-là comme de nos jours, la situation d’instabilité politique et d’insécurité frappe l’ensemble du Pays. Mais, par la suite, elle finit par se localiser dans les plateaux en infligeant aux Banyamulenge des traitements différents par rapport au reste de la population.

Cette façon de gérer la crise politique par nos voisins apparait déjà dans les années 1960. Dans un contexte de rébellion dite Muleliste, en 64 les milices Mai-mai sont formées au sein de la jeunesse (Bembe, Fuliru et Vira) avec pour objectif de combattre le pouvoir central accusé d’avoir assassiné le premier ministre de l’époque, Patrice Lumumba. Quelques temps après, leur lutte change de cibles. Les milices Mulelistes Mai Mai vont transformer celle-ci en une guerre de d’épuration ethnique, qui se donne pour mission de tuer les Banyamulenge et piller leurs biens. Le bilan de cette guerre ignoble fut lourd en termes de pertes en vies humaines et dégâts matériels.

L’issue de la guerre s’est toutefois soldée par une victoire de la force d’autodéfense composée des jeunes Banyamulenge dénommée ‘’ Les guerriers’’, lisez, Abagiriye en Kinyamulenge.

Du moment que l’armée gouvernementale n’arrivait pas à vaincre les rebelles Mulelistes qui avaient conquis toute la zone des plateaux après y avoir chassé les Banyamulenge, elle s’est vue contraint de coopérer avec ces derniers pour mater cette insurrection qui constituait une menace pour le gouvernement central. Dans tous les cas, cette stratégie de la part de l’autorité centrale n’était pas un fait du hasard ou un acte d’empathie pour les Banyamulenge. L’armée gouvernementale voulait se servir des Banyamulenge, eux qui avaient deux atout majeurs, à savoir, une bonne connaissance du terrain et surtout la volonté de reconquérir les plateaux, la terre des ancêtres. Cette alliance de circonstance a vite produit des résultats. Placés sous la conduite de leurs chefs, dont Muhindanyi et Gakingiye, pour ne citer que ceux-là ; les « Abagiriye (guerriers)» ont réussi à neutraliser les Mai-mai et à permettre la réinstallation de la population sur ses terres quelques mois plus tard.

Beaucoup de similitudes, par contre apparaissent sur les deux dernières périodes de crise, c’est à dire celle de années 1990 et l’actuelle quant à l’implication de l Etat congolais.

En effet, pour donner suite au processus de démocratisation des Pays africains, le régime de Mobutu décide d’instaurer le multipartisme en Mai 1990. Les années qui ont suivi sont marquées par une crise politique majeure. Le peuple congolais, aspirant à plus de libertés, pousse le régime à des concessions majeures en matière des libertés publiques. Dans la foulée, des manifestations de rue, des mutineries d’une partie de l’armée et des pillages des biens de la population par des militaires impayés depuis plusieurs mois, jettent le Pays dans un chaos. A cela s’ajoute une marée humaine des réfugiés Rwandais qui se déverse sur la partie Est du Pays dont des militaires et miliciens Interahamwe qui venaient de commettre un génocide dans leur pays, le Rwanda.

Dans ce contexte de crise politique que traverse le Pays, une fois de plus, les Banyamulenge payent les pots cassés. Cette fois-là, c’est le gouvernement lui-même qui passe à l’action. Sous l’impulsion de certains hommes politiques animés de haine contre les populations congolaises d’expression Kinyarwanda et les Banyamulenge en particulier, le parlement de transition HCR/PT met en place la triste commission dénommée Vangu chargée de faire la lumière sur la situation sécuritaire à l’Est du Pays suite à cette présence massive des Refugies Rwandais. Parmi les résolutions adoptées par cet organe législatif, il convient de rappeler une mesure sans précèdent qui consiste à chasser du Pays toutes les personnes d’expression Kinyarwanda, y compris les Banyamulenge. L’histoire retiendra qu’au terme de cette résolution, n’eut été l’arrivée salutaire des forces des AFDL, la population Banyamulenge aurait été chassée du Congo au plus tard au31 décembre 1995. Dieu aidant, l’ironie du sort a fait que le contraire de ce qui était attendu arrive. Quelques mois plus tard, à l’image de l’histoire de Mardochée dans le livre d’Esther au chapitre 7, 10: ‘’…Et l’ on pendit Haman au bois qu’ il avait préparé pour Mardochée..’’; c’est plutôt le régime de Mobutu qui subit le sort qu’ il avait réservé aux Banyamulenge.

Vous comprendrez donc le pourquoi de l’acharnement des anciens dignitaires contre les Banyamulenge au rang desquels Honoré Ngbanda et Kwebe Kimpele. Le premier, en l’occurrence Honoré Ngbanda a pourtant servi le régime de Mobutu en tant que membre des services de renseignements, puis conseiller du président en matière de sécurité, poste qu’il a occupé jusque à la chute de son régime. A ce titre, il faisait partie d’hommes influents et suffisamment renseignés sur des questions d’intérêt national. Force est de constater que dans l’exercice de ses fonctions pendant cette époque, il n’a jamais mis en cause nationalité congolaise aux Banyamulenge comme il le fait actuellement à travers les médias sociaux. De ce fait, quel enseignement peut-on tirer de cette volteface pour un homme politique ? Il y a lieu de déduire simplement que le Munyamulenge devient étranger pour le fait d’avoir participé à la guerre qui a chassé le régime de Mobutu.

Face à cette injustice, quelle communauté aurait agi autrement ? Voir sa propre communauté pousser à l’apatridie dépasse l’imagination et dicte des mécanismes de légitime défense de quelque nature que ce soit par ce qu’il est question de survie.



La situation sécuritaire actuelle, comparée aux deux autres qui ont prévalues dans le passé semble plus complexe au regard du nombre d’acteurs impliqués dans le conflit. L’on signale sur le terrain des combats, la présence de plusieurs groupes armés étrangers aux côtés des Mai-mai avec la bénédiction des éléments des forces armées gouvernementales. Contre toute attente, les troupes gouvernementales ont pris fait et cause pour les Mai Mai et alliés. Dans certaines localités, elles sont régulièrement identifiées entrain d’opérer ensemble ; dans d’autres, elles leur fournissent des armes et minutions ou prennent part au trafic des vaches pillées auprès de la population civile.

Quelles leçons à tirer.

Il importe donc de s’interroger sur le sens ou la portée de l’implication des forces gouvernementales dans les massacres d’une partie de sa population en collaboration avec les forces négatives. Le fait que des éléments de forces de l’ordre se détournent de leur mission régalienne de protéger les citoyens et leurs biens et se résolvent de collaborer à l’extermination de Banyamulenge donne matière à réflexion et devrait interpeller les instances dirigeantes du monde politique à l’échelle planétaire. Des tels agissements de la part des forces armées d’un Etat à l’égard de ses citoyens sont des signes avant-coureurs d’un génocide qui pèse sur la Communauté Banyamulenge comme c’est le cas pour les Rohingays du Myanmar (ex- Birmanie)

Au gouvernement congolais, il est temps de se ressaisir pour sauver ce qui peut encore l‘ être. Qu’il change de politiques et la façon d’agir sur les terrains d’opération et qu’il puisse adopter des nouvelles méthodes de gestion de crise qui cadrent avec ses devoirs républicains notamment : Assurer la sécurité des citoyens et leurs biens indistinctement et le cas échéant , punir de manière exemplaire les éléments qui faillissent à leur mission. Il va de l’honneur des hommes politiques au pouvoir et du Pays tout entier.

Aux victimes de cette tragédie, développez davantage votre capacité de résilience. Cette force psychologique qui vous a toujours caractérisée, soutenue par la cause juste pour laquelle vous combattez, elle vous aidera à venir au bout de cette rude épreuve. Travaillez à l’unisson, Dieu est à vos côtés, vous serez rétablis dans vos droits et pourrez vivre à nouveau en paix avec nos compatriotes.


le 29 décenbre 2019


Ruhara Mibari Boniface

Sociologue et Chercheur

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