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Cercle de feu

  • Paul KABUDOGO RUGABA
  • il y a 14 minutes
  • 2 min de lecture

Cercle de feu


Dans les hauteurs d’un pays blessé, la guerre a changé de visage.

Elle n’a plus les habits du patriotisme ni les mots d’ordre de la liberté.

Elle s’est vêtue des masques ancestraux de la haine,

Des cicatrices mal refermées, transmises de père en fils,

Et s’est nourrie de vieux démons réveillés.


Ce qui fut un cri de libération s’est mué en murmure vengeur.

Les fusils ont changé de mains, les slogans de couleur,

Mais les balles suivent toujours les mêmes trajectoires :

Elles cherchent les visages connus, les noms qui dérangent,

Les communautés trop visibles dans leur différence.

Banyamulenge, Tutsi du Nord-Kivu, Hema :

Ce sont eux, encore eux, toujours eux

Que l’histoire désigne comme boucs émissaires

Dans ce théâtre aux rideaux tachés de sang.


On dit que l’ennemi vient de loin,

Qu’il a traversé les frontières,

Que la main étrangère est derrière le mal.

Mais cette accusation n’est qu’un voile,

Un leurre dressé pour masquer l’évidence :

Le cœur du mal bat ici, à Kinshasa,

Dans les couloirs feutrés du pouvoir,

Dans les discours calculés et les silences complices.


L’État congolais n’est pas seulement spectateur.

Il orchestre. Il arme. Il délègue.

Ses milices portent un nom populaire : Wazalendo,

Mais leur patriotisme s’écrit en lettres de feu

Sur les toits incendiés des villages,

Dans les regards fuyants des survivants.


Dire que l’État a été incapable de protéger,

C’est tordre le cou à la vérité.

Non, ce n’est pas l’incapacité, c’est le choix.

Un choix froid, cynique, répété.

Un choix de sacrifier les minorités

Sur l’autel d’une unité fictive,

Construite sur des ruines et des charniers.


Et quand la révolution devient mirage,

Quand les chants de fraternité s’évaporent,

Les alliances d’hier fondent comme la rosée.

L’ami d’hier, soudain, tire dans le dos.

Le traître devient héros,

Le héros, traître,

Et le monde chancelle, égaré dans l’écho de ses contradictions.


Mais dans cette valse macabre,

Une chose reste figée, douloureusement constante :

La victime.

Toujours la même.

Toujours les mêmes.

Les marginalisés.

Les invisibles.

La minaurité.


Ceux dont on détruit les villages pour effacer l’histoire.

Ceux dont la souffrance ne fait pas la une,

Parce qu’ils n’ont pas le bon nom,

La même apparence ,

La même version du passé.


Et pourtant, ils tiennent.

Malgré tout, ils tiennent.

Car la mémoire est une braise.

Et un jour, même dans l’ombre, elle allume la lumière.

 

Paul Kabudogo Rugaba

 
 
 

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