top of page
Rechercher
  • Paul KABUDOGO RUGABA

Lettre à Monsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo

Concerne : Doléances


Excellence Monsieur le Président de la République,

C’est avec humilité et un profond respect que je m’adresse à votre auguste personne pour vous faire part de mes interrogations face à l’attitude incompréhensible affichée par les Institutions de notre pays vis-à-vis de la tragédie que vivent les membres de la tribu Banyamulenge qui habitent les hauts et moyens plateaux de Fizi-Mwenga-Uvira et ce, depuis 2017.

En effet, lorsque le 24.01.2019 vous avez juré solennellement devant Dieu et devant la nation(selon vos propres termes) de défendre la constitution et les lois de la République, de ne vous laisser guider que par l’intérêt général et le respect du droit de la personne humaine, de consacrer toutes vos forces à la promotion de la paix..., j’étais loin de m’imaginer que c’est sous votre mandat qu’une partie de vos concitoyens, ceux de la tribu des Banyamulenge en l’occurrence, allait connaitre la pire tragédie de son histoire en République Démocratique du Congo. Les articles 12 et 13 de notre constitution stipulent :

- « Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois »

- « Aucun congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ».

Excellence Monsieur le Président de la République, ignorez-vous, après 3 ans passés à la tête de notre pays que les droits prévus dans les articles précités ne sont pas garantis aux citoyens Banyamulenge résidant dans les moyens et hauts plateaux de Fizi-Mwenga-Uvira ? Sincèrement, je ne pouvais pas m’imaginer qu’un ressortissant de la communauté Kasaïenne, de surcroit Chef de l’Etat, dont les membres furent persécutés et chassés du Katanga par les hommes du tandem Ngunz et Kyungu au début des années 90 pouvait demeurer insensible aux mêmes atrocités subies par une partie de ses compatriotes.

En effet, c’est depuis l’année 2017 que les Banyamulenge sont victimes d’une barbarie indescriptible inconnue de leurs compatriotes, excepté leurs voisins immédiats et les auteurs de cette barbarie ainsi que leurs commanditaires. Tout a été fait pour dissimuler cette situation. Les institutions de la République, la presse tant nationale (à quelques exceptions près) qu’internationale et les ONG (nationales et internationales) de droits de l’homme sont toutes demeurées silencieuses devant cette tragédie. Depuis cette année-là, plusieurs centaines de Banyamulenge ont été tués, plusieurs autres blessés et des milliers d’entre eux poussés à l’exil et à l’exode interne, environ un demi-million de vaches razziées, des centaines de villages, écoles, églises et centres de santé détruits par des groupes armés locaux et étrangers avec une complicité notoire des FARDC dans le milieu.

Dans votre discours d’investiture vous avez dit je cite : «Aussi, dans le cadre d’une action concertée, nous entendons engager le gouvernement et toutes les autorités coutumières de notre pays à œuvrer pour la paix et la tolérance en vue d’une cohabitation pacifique entre nos différentes communautés. Par ces vertus, l’épisode douloureux des conflits tribaux et locaux qui ont endeuillé notre pays ne sera qu’un lointain et triste souvenir». Malheureusement, cet engagement ne s’est jamais concrétisé pour les Banyamulenge dont la situation sécuritaire s’est empirée 3 ans après ce discours.

Excellence Monsieur le Président de la République, j’ai constaté malheureusement que certaines de vos décisions prises lors de l’épisode de la commune rurale de Minembwe qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive l’an passé ont apporté de l’eau au moulin à ceux qui étaient contre sa création. Ainsi, vous avez supprimé solennellement l’installation officielle de ses animateurs avant une enquête préalable pour confirmer ou infirmer les allégations de ceux qui étaient contre son érection. A mon humble avis, ceci fut fait pour faire plaisir aux extrémistes antis tutsis du Kivu dont les attaques verbales contre les Banyamulenge avaient atteint leur paroxysme à ce moment-là. Plus encore, j’ai été sidéré en vous écoutant, lors de votre discours du 06.12.2020, annoncer également la suppression solennelle du Ministère de la Décentralisation alors que quelques minutes (si pas secondes) auparavant au cours de ce même discours vous veniez d’annoncer la réduction du nombre des ministères dans le gouvernement qui était en gestation. Y avait-il une urgence d’annoncer en avant-première le nom d’un seul ministère à supprimer avant les autres qui étaient en attente d’être supprimé aussi? C’est comme s’il fallait absolument effacer tout ce qui était lié à la création de la commune rurale «honnie» de Minembwe et continuer à contenter toujours ceux qui en réclamaient la suppression.

Après avoir instauré l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, une question vous a été posée lors d’un des voyages en Europe si je ne m’abuse, question de savoir pourquoi vous n’aviez pas étendu l’état de siège à la province du Sud-Kivu pourtant en proie aussi à l’insécurité comme elles. En guise de réponse vous avez dit que les situations étaient différentes dans ces provinces, en affirmant qu’au Nord-Kivu et en Ituri il y a des groupes armés étrangers tandis qu’au Sud-Kivu il s’agit tout simplement d’un conflit entre agriculteurs et éleveurs. Pourtant, les groupes armés étrangers sévissent également au Sud-Kivu et cela est connu de tous dans les territoires précités et au-delà. Ainsi ça m’étonnerait que notre Président puisse l’ignorer. Voici une information donnée par la Radio Okapi dans sa livraison du 07.07.2021. Je cite : « Près d’une cinquantaine de groupes armés locaux et étrangers opèrent dans le Sud-Kivu… Au-delà des groupes armés locaux, Uvira, Fizi et Itombwe regorgent des forces négatives étrangères, selon les services habilités. Des combattants rwandais du CNRD, ex FDLR, et des rebelles burundais notamment ceux du FNL, le MRP ABARUNDI et le RED TABARA d’après eux ». Eut-il été possible, Excellence Monsieur le Président, que vous eussiez ignoré les informations rendues publiques par un media national? Les services habiletés auxquels cette radio se réfère en savent plus que vos propres services des renseignements et de sécurité qui sont censés vous faire régulièrement rapport sur l’état sécuritaire de la nation? Vous avez pris connaissance des conflits entre éleveurs et agriculteurs dans le milieu, mais curieusement, vous n’avez pas été informé de la présence des groupes armés étrangers dans le groupement de Lemera, territoire d’Uvira où ils sillonnaient des villages au su et au vu de tous depuis 2016. C’est à n’y rien comprendre! Au fait, un conflit entre agriculteurs et éleveurs est supposé être un conflit autour des terres. Dans quel groupement, de quelle chefferie (ou secteur), de quel territoire (parmi les trois qu’habitent les Banyamulenge) aurait-on enregistré un tel conflit ? Nulle part à ma connaissance et personne d’autre ne peut le confirmer. Ce que vous avez appelé un conflit de terres qui pourtant n’en est pas un a déjà poussé plusieurs milliers de Banyamulenge à l’exil forcé, transformant d’autres milliers en déplacés internes, sans parler d’environ un demi-millier de vaches razziées, et des centaines des villages avec écoles, églises et centres de santé détruits. Et des centaines de mort par-dessus tout. Surement qu’un un état d’urgence au Sud-Kivu aurait limité les dégâts. Les notables Banyamulenge résidant à Kinshasa ont à maintes reprises dénoncé cette situation à travers des conférences de presse dans lesquelles ils sollicitaient l’intervention du gouvernement, tout en réitérant leur loyauté à votre auguste personne et leur attachement aux institutions de la République. Malheureusement, rien ne fut fait pour stopper la rage destructrice des groupes armés contre les Banyamulenge.

Excellence Monsieur le Président, dans le compte-rendu de la réunion du conseil des ministres tenue le 17.07.2021, soit 10 jours après les révélations de la radio Okapi concernant le nombre des groupes armés opérant dans le Sud-Kivu on y a parlé de: « la détermination des Forces Armées Congolaises à mettre fin à l’activisme des groupes armés GUMINO, TWIRANEHO et ANDROΪD à Mwenga, Fizi et Uvira dans le Sud-Kivu ». Il est curieux de constater que les seuls groupes visés sont ceux constitués des jeunes Banyamulenge qui tentent désespérément de s’opposer aux groupes armés locaux et étrangers dans leur mission de chasser les membres de leur communauté du Sud-Kivu avec l’appui d’une partie des FARDC. Pourquoi n’a-t-on pas cité les autres groupes armés? Je me dis que c’est parce qu’apparemment, ils seraient devenus des « brigades intégrées » au sein des FARDC. La collaboration entre eux et les FARDC que nous allons démontrer plus bas le laisse penser. Un des chefs Maï-maï n’a-t-il pas déclaré que leurs visées étaient identiques à la mission et aux objectifs des FARDC ? Les faits sur terrain le confirment.

Excellence Monsieur le Président de la République, quelque part dans votre discours vous avez dit : « Nos forces de défense et de sécurité doivent être porteuses du dialogue entre les civils et leur différents corps de métiers ». Permettez-moi de vous dire que voir ce vœu se réaliser auprès des populations Banyamulenge est un rêve irréalisable. Durant ces années que vous venez de passer au pouvoir et même bien avant, les relations entre les FARDC et les civils Banyamulenge n’ont pas été de tout repos. Mais la situation s’est aggravée avec l’arrivée du général Dieudonné Muhima à Minembwe en mars 2020. Les exactions contre les civils Banyamulenge ont atteint des proportions inquiétantes. Et la situation de leur insécurité est allée crescendo jusqu’à ce que les militaires ont commencé à tuer les civils en tirant sur eux à bout portant. A titre d’exemple, dans la soirée du 30.06.2021, 5 civils (parmi lesquelles 4 femmes dont la plus âgée avait 75 ans) ont été fauchés par les balles des militaires à Minembwe où séjournait le Général Commandant de la 3ème zone de défense.

Excellence Monsieur le Président de la République, les Banyamulenge ont dénoncé plus d’une fois l’implication des certains éléments des FARDC aux côtés des groupes armés qui sévissent contre eux depuis plusieurs années. Je m’en vais vous donner ci-dessous trois preuves seulement parmi tant d’autres. La première je la tiens du Rapport final du Groupe d’experts sur la République Démocratique du Congo adressée au Président du Conseil de Sécurité de l’ONU en date du 10.06.2021. Je cite un extrait de ce rapport : « Plusieurs membres des FARDC étaient également en connivence avec des groupes Maï-maï lorsque ces derniers ont attaqué des villages banyamulenge et volé du bétail. Six sources des FRDC, des chefs de la société civile, des chefs locaux banyamulenge, des personnes proches de chefs Maï-maï , des chercheurs et des source de la MONUSCO ont cité le Général Dieudonné Muhima, commandant de la 12e brigade de réaction rapide à Minembwe depuis mars 2020, comme étant un élément déterminant de l’appui apporté par les FARDC à des groupes Maï-maï ». Excellence Monsieur le Président, je suis convaincu que vos services détiennent ce rapport depuis sa sortie. Qu’avez-vous fait de ce Général dont les crimes ont été dénoncés à l’échelle internationale? Si les personnes proches des chefs Maï-maï , eux-mêmes bénéficiaires de l’assistance de ce Général l’ont dénoncé, qui peut encore douter de son implication dans le drame qui se joue dans les hauts plateaux ? Lorsque les Banyamulenge dénonçaient régulièrement ce qu’a révélé ce rapport, ils étaient chaque fois contredits par des sorties médiatiques mensongères du Major Dieudonné Kasereka, porte-parole des FARDC de l’opération Sokola II à Uvira et véritable champion en désinformation et diversion, qui démentait en déclarant avec cynisme que l’armée était là pour sécuriser tous les citoyens, toutes tribus confondues. Un gros mensonge. Curieusement, quelques-uns des jeunes Banyamulenge qui ont tenté de s’opposer à la réalisation du complot de déracinement de leur communauté du Sud-Kivu sont emprisonnés à Kinshasa, siège de nos Institutions, alors que les éléments des FARDC et des Maï-maï , tous bras exécuteurs de ce projet macabre se la coulent douce au Sud-Kivu, où ils continuent à jouir de produits de vente des vaches des Banyamulenge régulièrement razziées par eux. Quelle injustice!

Excellence Monsieur le Président de la République, au courant de 2019, des milliers de vaches ont été razziées et plusieurs villages ont détruits dans l’Itombwe savane par des groupes Maï-maï avec l’appui des éléments des FARDC dans la région. Je vous donne ici un exemple concret de cette collaboration. En date du 04.10.2019 dans la matinée, les Maï-maï ont attaqué mon village situé au sud-ouest de Kipupu, chef-lieu du secteur de l’Itombwe. Les bergers de notre troupeau de vaches ont fui avec celles-ci en direction du camp militaire le plus proche qui se trouvait à moins de 2 km vers le sud. A leur grande surprise, à l’approche du camp, ils ont essuyé des tirs provenant de ceux-là auprès desquels ils allaient chercher la protection. Trois vaches tombèrent sur le champ sous les coups de balles, deux des bergers furent appréhendés et torturés pour enfin s’entendre dire par leurs bourreaux de militaires qu’ils ne voulaient pas de leurs visages dans le milieu. Et le sort de nos vaches? Elles furent aisément récupérées par les Maï-maï . Les militaires en question venaient de leur faire une passe en or. Soulignons que dans plusieurs cas des razzias, les Maï-maï ont bénéficié du soutien des militaires ainsi que de leur couverture lorsque les Banyamulenge tentaient de les poursuivre en vue de récupérer leurs vaches.

Excellence Monsieur le Président de la République, le cas par lequel je termine illustre davantage les preuves du soutien de certains éléments des FRDC aux Maï-maï . La contrée de Bibokoboko (moyen plateau au-dessus de la ville de Baraka dans le territoire de Fizi) était l’unique endroit du Sud Kivu où les Banaymulenge vivaient encore en paix aux côtés de leurs voisins d’autres tribus jusqu’au 12.10.2021. La sécurité des biens et des personnes dans ces moyens plateaux était assurée impeccablement par les hommes du Colonel David IPANGI MUKAZ, Commandant du régiment qui était basé à Baraka, un véritable soldat du peuple qui avait non seulement bien maitrisé la situation sécuritaire, mais aussi avait réussi à unir les différentes communautés. Le bataillon qu’il y avait déployé constituait un véritable rempart pour les Banyamulenge contre des éventuelles attaques des Maï-maï . Contre toute attente, au courant du mois de septembre dernier, une décision de muter ce vaillant et Commandant patriote (parmi les rares que comptent encore les FRDC au Sud-Kivu) avec tout son régiment fut prise de quelque part. Cette mutation suscita la colère de la population de Baraka qui ne comprenait pas pourquoi on devait relever un régiment qui avait bien maitrisé la situation sécuritaire à Baraka et ses environs. La société civile de Baraka supplia le Général de Brigade et Commandant des opérations Sokola 2 Sud du Sud-Kivu de sursoir cette décision, mais celui-ci refusa. Face à ce refus, une journée ville morte fut organisée le 25 septembre comme signe de protestation. Mais hélas, cela ne suffit pas à fléchir la détermination de ce Général de Brigade de déplacer ce régiment. Après le départ du vaillant colonel avec ses hommes, son remplaçant refusa de déployer les militaires à Bibokoboko malgré des maintes supplications de la part des Banyamulenge qui craignaient le pire. Il saute clairement aux yeux que les initiateurs de la mutation en question voulaient tout simplement ouvrir une brèche aux Maï-maï pour qu’ils viennent attaquer les villages des Banyamulenge. Le pire que recherchait la hiérarchie militaire initiatrice de la mutation se produisit à l’aube du 13.10.2021. Plusieurs villages de Banyamulege furent investis par les Maï-maï qui les brulèrent tandis que la population en débandade fuyait en désordre. Les premiers fuyards qui sont arrivés extenués à Baraka le 14 septembre à la tombée de la nuit furent accueillis par des chahuts et des jets des pierres qui blessèrent quelques-uns parmi eux. A d’autres on a ravi des maigres biens avec lesquels ils étaient parvenus à fuir. Après ces attaques, on a compté plusieurs morts, plusieurs dizaines de villages incendiés, plusieurs otages emportés par les assaillants, plusieurs vaches razziées, des biens matériels emportés ou calcinés dans les maisons incendiées, sans parler des milliers des déplacés entassés à Baraka et ses environs. Voilà ce que visaient apparemment les initiateurs de la mutation en question. Ils savaient pertinemment bien ce qui attendait les Banyamulenge de Bibokoboko après le retrait de leur protection.

Excellence Monsieur le Président de la République, constatant que les groupes Maï-maï (initialement sous-traitants des FARDC) n’étaient pas parvenus à chasser totalement les Banyamulenge de hauts plateaux, les mêmes FARDC décidèrent de passer eux-mêmes à l’action sous couvert de la traque des groupes armés dans la région. Alors que le nombre de ces groupes au Sud-Kivu était estimé à plus ou moins 50 selon les services habiletés cités par la radio Okapi, en date du 12.07.2021, soit 5 jours après les révélations de cette radio, le Général Kasonga Léon Richard porte-parole des FARDC annonça des opérations musclées à mener contre trois groupes seulement. Sans surprise, les groupes visés par les opérations en question n’étaient d’autres que ceux-là qui seront cités également dans le compte-rendu de la réunion du Gouvernement tenue 5 jours plus tard( le 17.07.2021), à savoir les groupes d’autodéfenses Banyamulenge, prouvant ainsi que seuls ces derniers étaient dans les collimateurs des FARDC et du Gouvernement. Par diversion, tout comme son subalterne le Major Kasereka, ce Général ajoutera, pince-sans-rire dans son communiqué, deux groupes armés étrangers burundais dont le RED TABARA comme alliés des groupes d’autodéfenses Banyamulenge alors que ce dernier fut le principal soutien des Maï-maï Fuliru, sans lequel ces derniers ne seraient pas parvenus à chasser les Banyamulenge des hauts plateaux d’Uvira. La mission des traquer les groupes sélectionnés fut confiée au Général François Mukalay. Avec près d’un millier d’hommes, il va traverser tout le Territoire d’Uvira du Sud-Est au Sud-Ouest dans les confins de trois territoires pour pénétrer ensuite dans celui de Fizi à la recherche des groupes visés. Alors qu’en tant qu’un General d’une armée dite républicaine, il était censé combattre tous les groupes armés sans distinction, il laissa sciemment tranquilles derrière lui dans le territoire d’Uvira plusieurs groupes armés Fuliru ainsi que le burundais RED TABARA, qui pourtant avait été donné cyniquement comme allié des groupes d’autodéfenses Banyamulenge par le Général porte-parole de l’armée nationale. Il est indéniable que n’eut-été l’appui des FRDC et du RED TABARA aux groupes Maï-maï locaux (Bembe, Fuliru et Nyidu), ces derniers n’auraient pas été à mesure de déloger les Banyamulenge d’un seul de leurs villages malgré leur supériorité numérique. Eux-mêmes le savent bien.

Excellence Monsieur le Président de la République, d’aucuns ont cru qu’il y avait une guerre entre les Banyamulenge d’un côté et leurs voisins Bembe, Fuliru et Nyindu de l’autre. C’est absolument faux. Il y a plutôt à mon avis un plan de déraciner les Banyamulenge de Hauts et moyens plateaux de Fizi-Mwenga-Uvira. Les concepteurs de ce plan utilisent les groupes Maï-maï issus de tribus voisines aux Banayamulenge comme exécutants, avec l’assistance de groupes armés burundais, certains éléments des FARDC constituant le chef d’orchestre. Pareille aux maladies opportunistes qui attaquent un corps rongé par un virus du Sida, les élucubrations telles que projet de la balkanisation, prise des terres, etc. par les Banyamulenge entendues lors de l’euphorie hystérique consécutive à l’installation des animateurs de la commune rurale de Minembwe l’an passé n’étaient que des revendications opportunistes des pêcheurs en eaux troubles, le véritable enjeu étant le déracinement des Banyamulenge du Sud-Kivu.

Excellence Monsieur le Président de la République, plus haut j’ai fait remarquer qu’à mon humble avis, le drame que vivent les Banyamulenges dans les hauts et moyens plateaux de Fizi-Mwenga-Uvira n’est pas la conséquence d’un conflit tribal entre eux et leurs voisins, mais plutôt l’exécution d’un plan minutieusement conçu pour les déraciner de leurs terres ancestrales du Sud-Kivu. Voici quelques points sur lesquels je fonde ma conviction :

1. Le modus operandi utilisé aujourd’hui par des groupes armés locaux contre les Banyamulenge avec le concours des FRDC.

Je fus témoin oculaire de premières exactions de groupes armés Bembe et Fuliru contre les Banyamulenge il y a un peu plus d’un demi-siècle lors de la rébellion muleliste de 1964. Certes à l’époque ils ont aussi tué des gens, des vaches furent razziées, mais les crimes n’avaient pas atteint les proportions actuelles en termes de morts, de vaches razziées, des exilés et de déplacés internes. Beaucoup plus, alors que plusieurs familles Banyamulenge avaient retrouvé leurs maisons intactes, parfois avec portes et lits après environ deux ans ou plus d’abandon suite à cette guerre, aujourd’hui, les assaillants ne laissent aucun bâtiment intact. Dans le cas présent, il y a une destruction systématique de maisons, églises, écoles et centre de santé. Apparemment c’est comme si ils ont reçu la consigne de détruire complètement les richesses de Banyamulenge(en razzia toutes les vaches) et leurs infrastructures en vue de les contraindre de quitter définitivement le Sud-Kivu.

2. Le silence des autorités politico-administratives et la société civile.

Excellence Monsieur le Président de la République, comme indiqué plus haut, la tragédie en cours qui frappe les Banyamulenge au Sud-Kivu a fait plusieurs centaines de victimes, forcé de dizaines de milliers à l’exil, provoqué des milliers de déplacés internes et le razzia d’environ un demi-million des vaches, les destructions de centaines de villages, églises, écoles et centres de santé. Contre toute attente, nulle part on n’a entendu la moindre condamnation de cette barbarie que ce soit au niveau de la Présidence de la République, du Senat, de l’Assemblée Nationale (excepté l’Honorable Moïse NYARUGABO), du Gouvernement, jusqu’au niveau de leurs territoires en passant par les autorités provinciales du Sud-Kivu. Il a fallu attendre un jour qu’un groupe d’autodéfense Banyamulenge attaque un bastion de Maï-maï pour tenter de récupérer des vaches razziées pour voir se déclencher une avalanche de réactions et de condamnations à tous les niveaux pour dénoncer pour la première fois les conséquences d’une guerre( qui avait pourtant commencé trois ans plus tôt) que tous les politiciens, responsables de confessions religieuses et acteurs de la société civile du Sud-Kivu (pourtant très loquace) s’étaient gardés de dénoncer aussi longtemps que les victimes étaient seulement des Tutsi.

Excellence Monsieur le Président de la République, je crois vous avoir donné suffisamment des preuves d’une collaboration étroite entre une partie de l’armée dont vous êtes le Commandant Suprême et les groupes armés pour persécuter et bouter hors du territoire national une frange de vos compatriotes vis-à-vis desquels vous avez aussi juré de garantir la sécurité et les droits. Je vous ai montré comment la communauté Banyamulenge a été abandonnée par ceux-là qui devaient défendre ses droits et assurer sa protection. En tant que Président de la République, il m’est difficile de croire que vous ignorez les tenants et les aboutissants du drame qui se joue dans les moyens et hauts plateaux contre les Banyamulenge. Quant à l’Etat-major de notre armée, je crois qu’il en sait plus que trop étant donné l’implication de certains de ses Généraux et soldats aux côtés des groupes armés pour chasser une partie de vos concitoyens de leur mère patrie.

Excellence Monsieur le Président de la République, tout pouvoir vient de Dieu dit la Bible. Cependant, notre Dieu ne gouverne pas avec celui à qui Il le donne à moins que ce dernier le Lui demande comme le fit le roi Salomon. Je vous ai entendu dire lors de votre prestation de serment que c’est entre autres devant Dieu que vous le faisiez. Peu après je vous ai vu au stade de Martyrs avec une foule de gens dans une séance de prière pour demander pardon à Dieu pour tous les maux commis par les politiciens congolais contre leurs populations. Je crois sincèrement que la clé de la solution du problème dont il est question se trouve entre vos mains. Si votre demande de pardon ce jour-là était vraiment sincère, permettez-moi de vous demander, Excellence Monsieur le Président, d’arrêter le déracinement des Banyamulenge et de protéger tous leurs droits comme ils le sont pour le reste de congolais. Vous en avez le pouvoir et c’est dans vos prérogatives en tant que le Garant de la sécurité des biens et des personnes ainsi que de leurs droits dans notre pays.



Avec l’expression renouvelée de nos hommages les plus déférents,

Jean Baptiste RUTHIRIRIZA NKANIKA

Un de vos compatriotes

Fait à Kinshasa, le 10/11/2021

A Monsieur Antoine Felix STHISEKEDI TSHILOMBO
.pdf
Download PDF • 434KB

174 vues0 commentaire
bottom of page