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pour une réconciliation fondée sur la justice: Joyeux Noël

  • Paul KABUDOGO RUGABA
  • il y a 6 jours
  • 4 min de lecture

 


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Partout sur les Hauts Plateaux des Banyamulenge, la réconciliation entre les différentes communautés s’opère spontanément dans les zones libérées par l’AFC–M23–MRDP. Cette réalité, observable sur le terrain, constitue en elle-même une preuve éloquente : la fracture n’est pas naturelle, elle a été fabriquée. Elle ne procède ni d’une inimitié ancestrale ni d’un rejet populaire, mais d’une manipulation politique savamment entretenue.

Dans les zones demeurées sous contrôle du pouvoir central, la situation apparaît radicalement différente. La haine y est toujours nourrie, institutionnalisée, normalisée. Les discours de stigmatisation se répètent, les arrestations arbitraires se multiplient, les exactions persistent, et la peur s’installe durablement dans le quotidien des populations. Là où la paix devrait être reconstruite, c’est la suspicion qui prospère.

Lors des séances dites de « réconciliation », certains orateurs se livrent à une mise en scène bien rodée. Ils répètent, presque mécaniquement, un récit préfabriqué : « que les Banyamulenge ne chassent pas les Bafuliro et que les Bafuliro ne chassent pas les Banyamulenge .   que les Banyamulenge ne chassent pas les Bembe et que les Bembe ne chassent pas le Banyamulenge», et ainsi de suite. Derrière cette rhétorique faussement équilibrée se cache une insinuation mensongère lourde de sens : celle selon laquelle les Banyamulenge auraient nourri eux aussi un projet d’extermination ou de dépossession des autres communautés. Cette accusation relève d’un pur renversement de la réalité. Elle constitue une projection mensongère, une accusation miroir destinée à dissimuler les véritables responsabilités.

Jamais — absolument jamais — un responsable politique banyamulenge n’a appelé à l’extermination des communautés voisines, qu’il s’agisse des Bafuliro, des Bavira, des Bembe ou des Nyindu. Aucun programme politique, aucune déclaration officielle, aucune doctrine n’a jamais prôné la création d’un prétendu « empire tutsi-hima ». Une telle idée relève de la pure fiction. Comment imaginer qu’un peuple majoritairement pastoral, longtemps marginalisé, souvent privé de ses droits civiques les plus élémentaires, ait conçu un projet impérial ? Cette hypothèse relève davantage du fantasme que de l’analyse politique.

La réalité est toute autre. Ce sont certains responsables issus des communautés voisines qui, au fil des années, ont théorisé l’exclusion, légitimé la stigmatisation et normalisé la haine. Des figures politiques de premier plan ont nié l’existence même de la citoyenneté banyamulenge, remodelé les cadres juridiques à des fins discriminatoires et instrumentalisé les institutions de l’État à des fins d’exclusion systémique.

Ainsi, des personnalités telles que le président de l’Assemblée nationale, M. Anzuluni Bembe, ont publiquement tenu des propos remettant en cause l’appartenance nationale des Banyamulenge. Des commissions nationales officielles, notamment celle dite de Vangu Mambweni, ont entériné des récits profondément discriminatoires, donnant une apparence de légitimité institutionnelle à l’exclusion. Des autorités provinciales, à l’instar de Lwabanji Lwassi Ngabo, ont tenu des déclarations d’une extrême gravité, allant jusqu’à suggérer l’effacement des Banyamulenge de l’espace territorial et symbolique national.

Parallèlement, des idéologues relayés par des médias complaisants ont contribué à banaliser la haine. Des figures politiques telles que Honoré Gbanda, Kwebe Kimpele, Justin Bitakwira, Claude Misare, Bulakari Homer, Kaliba Pardonne ou encore le ministre Nzangi ont, par leurs discours nourri un climat délétère propice à la violence. Cette dynamique a été aggravée par la mobilisation de milices dites « Wazalendo », ouvertement soutenues et financées, et par l’engagement direct de forces étatiques dans un dispositif sécuritaire devenu indistinct de la répression collective.

Loin d’être des dérives isolées, ces faits révèlent l’existence d’un système cohérent, dans lequel la stigmatisation est institutionnalisée, la violence banalisée et l’exclusion érigée en méthode de gouvernance. Ce n’est plus une succession d’excès, mais une architecture politique de la marginalisation, construite, entretenue et justifiée par le pouvoir lui-même.

Dans un tel contexte, la responsabilité ne saurait être diluée. Elle engage non seulement des individus, mais des structures entières. Et tant que cette réalité ne sera pas reconnue, nommée et assumée, aucune réconciliation authentique ne pourra voir le jour.

Si une paix durable doit un jour advenir, elle ne pourra naître que de la vérité. Non d’une vérité arrangée, ni d’un compromis avec le mensonge, mais d’une vérité entière, assumée et courageuse. On ne bâtit pas la réconciliation sur la falsification de l’histoire. On ne transmet pas l’avenir sur des fondations viciées.

Car une société qui choisit de se mentir à elle-même prépare sa propre chute. Et une paix fondée sur le déni n’est qu’un mirage, destiné à s’effondrer au premier souffle de vérité. Nous avons le devoir de transmettre à nos enfants une histoire authentique, fût-elle douloureuse, car seule la vérité, même âpre, peut fonder un avenir juste et durable.

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Je souhaite à toutes et à tous un joyeux Noël, placé sous le signe de la réconciliation véritable et du repentir sincère. Que cette période soit l’occasion d’un retour à l’essentiel : la paix des cœurs, la reconnaissance mutuelle et la volonté partagée de reconstruire ensemble un avenir commun.

Puisse ce temps de célébration raviver l’espérance, restaurer la confiance entre les communautés et ouvrir la voie à une coexistence fondée sur la dignité, la justice et le respect de chacun. Que les blessures du passé trouvent enfin le chemin de la guérison, et que la fraternité l’emporte sur les divisions.

J’adresse également un hommage particulier à celles et ceux qui, au péril de leur vie, œuvrent sans relâche pour la sécurité, la protection des populations et le rétablissement de la paix. Leur engagement, souvent silencieux, mérite reconnaissance et gratitude.

Que ce Noël soit porteur de lumière pour tous, et qu’il annonce l’avènement d’un avenir plus juste, plus humain et plus solidaire.

 

Le 25 décembre 2025

Paul Kabudogo Rugaba

 
 
 

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